Donald Trump fait-il partie de la solution ou du problème? La question se pose dans plusieurs dossiers importants à Washington.

Le plus récent exemple : celui de la paralysie du gouvernement américain, qui a heureusement pris fin hier lorsque les membres du Congrès ont mis de l'eau dans leur vin. Le président américain était en partie à la source de ce litige, ayant refusé la semaine dernière tout compromis en matière d'immigration.

La même question au sujet de Donald Trump se pose quant à la renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain. La sixième ronde de pourparlers a lieu cette semaine à Montréal et, jusqu'ici, le président américain a semblé faire partie du problème plus que de la solution.

Les négociations avancent, bien sûr. Des progrès ont été faits, dit-on, dans certains dossiers comme le commerce en ligne et les télécommunications. Mais sur plusieurs des enjeux les plus cruciaux, les pourparlers ne vont nulle part.

Pourquoi? Parce que les propositions de Washington sont jugées irrecevables par Ottawa et Mexico.

Notamment sur la «clause crépusculaire», selon laquelle l'accord prendrait fin dans cinq ans, sauf si les trois pays sont d'accord pour le prolonger. Ou encore sur les «règles d'origine» dans le secteur automobile, que les Américains veulent modifier pour que 50% des pièces soient produites aux États-Unis. Sans compter la gestion de l'offre dans le secteur agricole, enjeu qui touche particulièrement le Québec.

«Faire des demandes de façon unilatérale pour obtenir des concessions unilatérales n'est pas un gage de succès dans une négociation», a souligné hier l'ancien conseiller du premier ministre Brian Mulroney, Derek Burney, de passage à Montréal. Ce dernier a joué un rôle clé lors des négociations sur l'ALENA et sur l'entente dont il découle, l'Accord de libre-échange canado-américain.

«Certains soupçonnent» que ces demandes «sont peut-être un prétexte qui ouvre la voie à une abrogation» de l'entente, a aussi fait remarquer Derek Burney.

Pensez-y : alors que débute la sixième ronde des pourparlers, on a encore du mal à savoir si les négociateurs américains sont de bonne foi ou si leur but ultime est de pulvériser l'entente.

Cette «incertitude élevée» quant au sort de l'ALENA n'est pas inoffensive, a confirmé la Banque du Canada la semaine dernière. Elle a estimé que les investissements des entreprises pourraient chuter de 2% d'ici la fin de 2019.

Le bluffeur en chef, incontestablement, c'est Donald Trump. Depuis janvier, il a continué de dire une chose et son contraire au sujet de l'avenir de l'entente. Dans une entrevue publiée par le Wall Street Journal le 11 janvier, il a répété qu'il mettra fin à l'ALENA si «un bon accord» n'est pas conclu, mais il s'est aussi félicité des progrès accomplis jusqu'ici lors des négociations. Il a même laissé entendre qu'il était prêt à en prolonger la durée.

Une semaine plus tard, sur Twitter, il sommait les Mexicains de payer pour le mur qu'il veut construire à la frontière sud des États-Unis et il qualifiait l'ALENA de «mauvaise blague».

Même si les pourparlers pourraient ne pas se terminer en mars comme prévu, le temps file. Et l'intransigeance est contre-productive. Il faut espérer que les négociateurs américains mettront à Montréal plus d'eau dans leur vin qu'ils n'ont su le faire jusqu'ici. Qu'ils fassent partie, contrairement au président américain, de la solution et non du problème.

CE QU'ILS ONT DIT

«On est prêt à toutes les éventualités depuis le début. Moi, je ne parle pas d'inquiétude, je parle de préparation. C'est pour cela qu'avec le Québec, par exemple, cette année, en septembre, on a ouvert le plus grand marché en Europe - 510 millions de consommateurs -, on continue à regarder du côté de l'Amérique du Sud, du côté de l'Asie-Pacifique...»

- François-Philippe Champagne, ministre fédéral du Commerce international

«Il y a 10 jours, j'étais encore aux États-Unis, et il y a un élément, à mon avis, qui a changé depuis un an : c'est la prise de conscience, aux États-Unis, de l'importance de l'ALENA.»

- Dominique Anglade, ministre québécoise de l'Économie, de la Science et de l'Innovation

(D'après La Presse canadienne)

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