Vous souvenez-vous de la députée libérale Carolyn Parrish?

Peut-être alors vous rappelez-vous le geste controversé qu'elle avait posé en 2004 : piétiner une poupée à l'effigie de George W. Bush. Ou ses déclarations déplacées, comme lorsqu'elle avait qualifié les Américains de «salopards».

Notre chef de bureau à Ottawa, Joël-Denis Bellavance, a évoqué l'été dernier dans nos pages certains dérapages de Mme Parrish. Il utilisait cet exemple pour montrer que les libéraux de Justin Trudeau ont tiré les leçons des erreurs commises à Ottawa lorsque George W. Bush était président.

Les députés fédéraux ont en effet fait preuve de retenue et de tact tout au long de la course à la Maison-Blanche l'an dernier.

Cette sobriété était également de mise lors de la première semaine au pouvoir de Donald Trump. Le premier ministre et son entourage se comportaient en bons élèves qui se retiennent pour ne pas se moquer des âneries de celui qui fait le clown devant la classe.

Depuis le décret présidentiel (hautement controversé) sur l'immigration, on sent toutefois que ce devoir de réserve est un peu moins respecté.

Justin Trudeau n'a pas dénoncé ouvertement la décision de Donald Trump. En revanche, il a diffusé quelques tweets qui ne laissaient place à aucun doute sur son opinion à ce sujet.

«À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera, indépendamment de votre foi. La diversité fait notre force. #BienvenueAuCanada», a-t-il écrit.

Il a aussi mis en ligne une photo prise lorsqu'il avait accueilli des réfugiés syriens en 2015.

Il est essentiel de réaffirmer nos valeurs d'ouverture et de tolérance dans le contexte actuel. Mais n'oublions pas que le terrain est glissant. Qu'on ne fera pas changer Donald Trump d'avis en le heurtant de front ou en le dénigrant. Et que les dérapages potentiels d'un gouvernement canadien qui se montre présomptueux et trop critique à l'égard de l'administration américaine sont nombreux.

Répétons-le : le Canada, dont l'économie est à la merci tant du protectionnisme que des sautes d'humeur de Donald Trump, joue gros.

Cette semaine, deux précieux alliés de Donald Trump ont également été pris pour cible par Ottawa. Ce n'est certainement pas passé inaperçu à la Maison-Blanche.

Le bureau du premier ministre Trudeau a fait la leçon à la direction de Fox News en lui demandant d'effacer un message sur Twitter. À la suite de l'attentat de Québec, le réseau avait initialement écrit - comme plusieurs autres médias - qu'un des responsables était d'origine marocaine.

Quarante-huit heures plus tard, on apprenait que le gouvernement canadien avait décidé de retirer ses publicités du site de nouvelles breitbart.com. Celui-ci était jusqu'à tout récemment dirigé par Stephen Bannon, stratège et homme de confiance de Donald Trump.

Ces initiatives sont légitimes. Mais leur succession donne l'impression qu'on commence, à Ottawa, à se prendre pour des superhéros engagés dans une lutte à finir contre le mal.

Il ne s'agit pas de prôner l'aplaventrisme. Simplement de rappeler à quel point Justin Trudeau et ses proches doivent redoubler de vigilance lorsqu'ils réagissent aux gestes répréhensibles de l'administration américaine.

À chacun sa place. Ceux qui défendent nos valeurs sans perdre de vue nos intérêts : à Ottawa. Et les superhéros... au cinéma.

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