« Abject », a soutenu le chef du NPD, Thomas Mulcair. « Irresponsable », a renchéri le chef libéral Justin Trudeau. L'objet de leur indignation ? La nouvelle selon laquelle le bureau du premier ministre a bloqué temporairement le traitement des demandes de visa des réfugiés syriens qui cherchent à s'établir au Canada.

C'est un journaliste du quotidien torontois The Globe and Mail qui a mis au jour cette intervention inédite de la part du bureau de Stephen Harper. Généralement, ces dossiers sont gérés par Citoyenneté et Immigration Canada.

Or, pour des raisons qui demeurent à ce jour obscures, pendant plusieurs semaines, toutes les demandes de réfugiés syriens transmises au Canada par l'ONU ont été examinées par le bureau du premier ministre.

Ce n'est pas tout. Ottawa aurait cherché - sans le révéler publiquement - à privilégier certains réfugiés. Y compris les membres de minorités religieuses, dont les chrétiens.

Certains ont rapidement allégué qu'il s'agit d'une manoeuvre politique visant à encourager les citoyens canadiens membres de ces mêmes minorités à voter pour les conservateurs. Stephen Harper a rétorqué qu'il s'agit plutôt de favoriser les Syriens menacés par les djihadistes du groupe État islamique.

Au-delà de cette joute verbale, on constate que le gouvernement a encore une fois manqué de transparence. Toutes ces décisions ont été prises en vase clos. Et elles seraient demeurées secrètes si elles n'avaient pas été dévoilées par un journaliste.

Elles ne sont, par ailleurs, ni abjectes ni irresponsables. Mais elles ont visiblement été prises par des politiciens et des fonctionnaires qui n'ont pas estimé qu'il était urgent d'agir.

Car l'intervention du bureau du premier ministre dans le traitement des demandes a ralenti encore un peu plus la vitesse à laquelle les Syriens en détresse ont pu trouver refuge au Canada. Au cours des huit premiers mois de l'année, seuls 308 réfugiés syriens, parmi ceux sélectionnés par l'ONU, ont reçu un visa canadien.

Ce qui est désolant, c'est que cette récente polémique démontre encore une fois les limites de la générosité du gouvernement actuel.

Nous l'avons déjà écrit : la contribution canadienne est appréciable, mais elle n'est pas suffisante.

Depuis la diffusion de la photo d'un enfant syrien de trois ans mort à la suite d'un naufrage, le Canada a révisé ses politiques. Le traitement des demandes, par exemple, a été accéléré. On n'a toutefois pas revu à la hausse le nombre de réfugiés syriens réinstallés directement par le gouvernement.

Rappelons-le : lors de la crise des boat-people en 1979 et 1980, le Canada a accueilli quelque 60 000 réfugiés en l'espace de 18 mois. Ceux qui ont participé à l'initiative parlent encore aujourd'hui du « courage politique » manifesté à l'époque. Souhaitons qu'à l'issue du scrutin du 19 octobre, le courage soit de nouveau à l'ordre du jour.

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