Il y a une tonne de choses que le gouvernement du Québec pourrait régler avec de l’argent.

Il pourrait réparer nos infrastructures qui tombent en ruine, à commencer par les suspentes du pont Pierre-Laporte, à Québec, qui menacent de céder, comme l’a révélé l’émission Enquête, jeudi.

Il pourrait aider les enfants en difficulté qui manquent cruellement de soutien à l’école, comme l’a dénoncé le Protecteur du citoyen, lundi.

Il pourrait réduire les délais devant les tribunaux qui nuisent à l’accès à la justice, améliorer les services de la Direction de la protection de la jeunesse, investir en santé mentale, en soins à domicile… la liste est longue.

Mais il y a une chose que l’argent ne peut pas régler : l’inflation. Ce n’est pas en faisant des chèques ou en accordant des baisses d’impôt que le gouvernement aide les ménages qui souffrent de la hausse généralisée des prix.

En se transformant en guichet automatique, le gouvernement s’attaque à la conséquence du problème, pas à sa cause. En alimentant la demande, il exacerbe la flambée des prix. Il aggrave le problème au lieu de l’apaiser. Et il nuit aux efforts des banques centrales qui utilisent un remède de cheval pour remettre l’inflation en bride.

Cette semaine, la Réserve fédérale américaine a mis les bouchées triples. Elle qui hausse généralement son taux directeur à coup de 25 points a annoncé une augmentation de 75 points d’un coup sec, du jamais-vu depuis 1994.

Entre deux maux, la Fed a choisi son camp. Elle semble prête à sortir l’artillerie lourde pour éviter que l’inflation ne s’enracine comme dans les années 1970, même si l’économie subit les dommages collatéraux de son offensive.

La question est maintenant de savoir s’il y aura une récession. Quelles sont les probabilités ? 35 %, répond le ministre des Finances, Eric Girard. 50 %, avance le premier ministre, François Legault.

Les risques de repli sont peut-être encore plus élevés si on se fie à la Bourse, qui se retrouve officiellement dans un marché baissier, après une glissade de presque 24 % depuis son sommet de janvier. Or, la Bourse est un indice précurseur. Depuis 1956, l’indice américain S&P 500 a flanché de plus de 20 % à 11 reprises. Huit fois, il s’en est suivi une récession. Seulement trois fois, l’économie a résisté.

Mais les politiciens n’ont que faire des risques d’orage. La campagne électorale n’est pas encore officiellement en branle que déjà les partis politiques se lancent dans les promesses d’allégement fiscal.

Après avoir accordé un paiement de 500 $ à 94 % des Québécois dans son budget de mars, une facture de 3,2 milliards, la Coalition avenir Québec (CAQ) fait maintenant miroiter un autre chèque qui serait versé après les élections.

Lors de son congrès du week-end dernier, le Parti libéral du Québec (PLQ) en a rajouté en proposant une baisse d’impôts pour la classe moyenne qui rapporterait en moyenne 1250 $ par personne. En fait, Dominique Anglade veut réduire de 1,5 % le taux d’imposition des contribuables qui gagnent moins de 92 000 $ par année (et hausser de 2 % sur les revenus de plus de 300 000 $).

Lundi, la CAQ a rappliqué en évoquant aussi des baisses d’impôt. Et mercredi, elle est revenue à la charge en limitant immédiatement la hausse de la taxe scolaire à « 2 ou 3 % en moyenne » pour aider les gens aux prises avec la hausse du coût de la vie.

Pas de doute, les promesses de baisses d’impôts sont séduisantes pour les électeurs. Après tout, le poids de la fiscalité est très lourd au Québec. Plus lourd qu’il ne l’a jamais été en 20 ans. Plus lourd que n’importe où ailleurs en Amérique du Nord.

Si on doit alléger ce fardeau, commençons par réduire l’impôt des particuliers qui est plus nocif, car il décourage le travail, plutôt que de diminuer les taxes, en particulier celles sur l’essence, ce qui irait à l’encontre de la lutte contre le réchauffement climatique.

Sauf que dans le contexte actuel, avons-nous vraiment les moyens de baisser les impôts ?

Il est vrai que les finances publiques de la province se relèvent de la pandémie mieux que prévu… grâce à l’inflation ! À court terme, la hausse des prix amène plus de revenus dans les coffres de l’État. Mais attendez un peu ! Les coûts viendront ensuite, quand il faudra négocier les salaires des employés à la hausse. Ou quand l’augmentation des taux d’intérêt fera grimper le service de la dette : chaque hausse de 1 % des taux représente un coût additionnel de 553 millions de dollars par année.

Même si les finances publiques vont mieux que prévu, le Québec accuse encore un déficit qui pourrait empirer en cas de récession. Les politiciens doivent donc y penser à deux fois avant de promettre des baisses d’impôt à crédit alors que nos services publics sont déjà lourdement hypothéqués.

Ce n’est pas parce qu’il y a une éclaircie au-dessus de nos têtes qu’il faut partir faire un tour de bateau en ignorant les nuages noirs à l’horizon.

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