C’est désormais officiel, le Québec affronte une sixième vague.

Dans les circonstances, il est permis de se poser deux questions importantes au sujet du port du masque dans les endroits publics, rare mesure encore existante dans l’espoir de freiner la contagion.

Premièrement : est-ce que c’était vraiment une si bonne idée d’annoncer que cette obligation prendrait fin à la mi-avril ?

Deuxièmement : lorsque le masque ne sera plus obligatoire, a-t-on pensé à des façons d’éviter que ceux qui le portent ne soient stigmatisés par les autres ?

L’heure n’est pas à la peur. On ne s’énerve tellement plus que les mesures sanitaires sont tombées une à une. Et que personne n’a l’intention de proposer de nouvelles restrictions.

« Il n’y a aucune raison pour le moment de changer la stratégie qu’on a », a déclaré jeudi le ministre de la Santé Christian Dubé.

Ce n’est pas une hérésie. Il y a véritablement eu un changement de paradigme, rendu possible notamment par les succès de la vaccination.

Mais avait-on vraiment besoin à Québec d’annoncer, il y a près d’un mois, que le port du masque obligatoire prendrait fin « au plus tard à la mi-avril » dans tous les lieux publics ?

Et le docteur Boileau a-t-il eu raison, à l’époque, de se dire à l’aise avec ce changement annoncé ?

On ne sait pas de quoi aura l’air la situation épidémiologique dans deux semaines. Peut-être que le masque sera alors jugé superflu. Mais peut-être pas non plus.

Récemment, le docteur Boileau s’est montré plus prudent. « Les circonstances actuelles nous invitent à encourager les gens à maintenir le port du masque jusqu’au 15 avril », a-t-il dit.

Et au moins un directeur régional de santé publique, celui de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, juge « vraisemblable » que la date butoir soit reportée.

Des indices qui laissent croire qu’on a été un peu vite en affaires à Québec sur la question du masque. Comme on l’avait fait en décembre dernier en annonçant qu’il y aurait des rassemblements familiaux de 20 personnes dans les résidences pendant les fêtes (et ce n’était pas la première fois qu’on nous faisait jouer au yoyo).

On ne remet pas en question la teneur de l’éventuelle décision sur le masque du docteur Boileau. Le problème, c’est plutôt qu’il a cherché à nous offrir des certitudes prématurément.

Par contre, s’il y a une chose qu’on peut prédire sans crainte de se tromper, c’est que des millions de Québécois vont laisser tomber le masque lorsque ce ne sera plus obligatoire.

Un récent sondage Angus Reid a d’ailleurs révélé que, de toutes les provinces canadiennes, le Québec était celle où la part des citoyens qui porteront le masque à l’intérieur si l’obligation est levée (38 %) était la plus faible.

En revanche, ceux qui souhaitent le conserver ne devraient pas pour autant être montrés du doigt.

Il y va de la responsabilité chacun, c’est vrai. Mais on aurait aussi tout avantage, à Québec, à élaborer dès maintenant des stratégies en la matière.

Jusqu’ici, l’initiative la plus efficace en ce sens est venue d’une poignée de travailleurs de la santé et de scientifiques, regroupés par l’étudiant en médecine Mathieu Nadeau-Vallée. Ils ont produit une courte vidéo pour soutenir les Québécois qui vont garder le masque pour protéger les plus vulnérables et le système de santé.

Regardez la vidéo

« Je vais continuer de porte le masque en public pour protéger les plus fragiles, dont mon conjoint immunosupprimé et ma fille souffrant d’épilepsie », déclare par exemple une infirmière aux soins intensifs, Marie-Ève Ménard.

Le premier ministre François Legault est visiblement conscient du défi à relever puisqu’il a déjà fait savoir publiquement qu’il continuerait à porter le masque « un certain temps ».

Mais pour que le port du masque devienne véritablement un choix personnel, les normes sociales devront changer. Et sans d’importants efforts de sensibilisation de la part de Québec, on voit mal comment on pourrait y parvenir.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion