Le projet de loi 18, déposé mercredi par la ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, va contribuer à changer la culture policière au Québec. Il s’attaque entre autres au profilage racial et interdit aux policiers d’interpeller un quidam pour des motifs basés sur la discrimination.

Il donne également plus de pouvoirs au Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) qui pourra se pencher sur tout incident criminel impliquant un policier. Pour les amateurs de la série District 31, c’est comme si l’enquête déclenchée au sujet du sergent-détective Bruno Gagné atterrissait sur le bureau de Mélissa Corbeil, au Service des enquêtes indépendantes, plutôt qu’aux affaires internes de la police.

Ces nouvelles mesures législatives, si elles sont adoptées, marqueront un pas de plus dans la transformation des forces policières québécoises.

Car la police telle qu’on la connaît depuis des décennies peine à répondre aux nouveaux besoins qui émergent au sein de la population. Elle doit changer, s’adapter. Sur la Rive-Sud, le directeur du Service de police de l’agglomération de Longueuil, Fady Dagher, l’a très bien compris.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le directeur du Service de police de l’agglomération de Longueuil, Fady Dagher

Notre collègue Caroline Touzin a raconté cette semaine comment allaient se déployer les policiers du nouveau RESO, le réseau d’entraide sociale et organisationnelle. Il s’agit d’une police qui œuvrera en immersion dans son milieu. Elle fera le lien entre les citoyens en difficulté et les organismes sur le terrain. Une police qui tentera de rattraper des gens en difficulté avant qu’il ne soit trop tard.

Cette approche, Fady Dagher l’avait privilégiée lorsqu’il dirigeait le service de police de Saint-Michel, et elle avait porté ses fruits.

Mais cette petite révolution longueuilloise va bien plus loin que la mise sur pied d’une nouvelle brigade. C’est tout le recrutement des policiers et des policières qui est revu par le directeur Dagher et son équipe.

Une sélection qui s’appuie davantage sur les compétences humaines des candidats : intelligence émotionnelle, sensibilité et ouverture d’esprit donnent des points supplémentaires aux dossiers d’embauche, tout comme le bénévolat, une certaine connaissance des enjeux de santé mentale, une implication dans la communauté, etc.

Bref, les gros bras qui ne juraient que par la méthode dure devront s’adapter à cette nouvelle approche du travail policier. À ceux qui s’émeuvent que les policiers soient forcés de jouer le rôle de travailleurs sociaux, Fady Dahger répond que la très grande majorité des appels reçus par son service concerne des enjeux de santé mentale. Il a très bien expliqué que la logique « un appel, une auto-patrouille » était devenue intenable et improductive.

Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il n’y a plus de patrouilles traditionnelles, qu’on ne combat plus le trafic d’armes, les vendeurs de drogue, les proxénètes et les fraudeurs. La nouvelle approche mise de l’avant par le chef Dagher signifie seulement que le service de police de Longueuil élargit son coffre à outils. Il se transforme pour mieux répondre aux besoins de sa société.

Non seulement il s’agit d’une excellente stratégie en réponse à ceux et celles qui réclament le définancement de la police, mais ce nouveau rôle n’est absolument pas incompatible avec la nature même du travail policier. La notion de sécurité est large et englobe aussi la sécurité psychologique des citoyens.

Oui, il faut dénoncer le manque de services en santé mentale. On attend d’ailleurs avec impatience le plan du ministre Lionel Carmant prévu pour le début 2022. Mais en misant sur une approche plus humaine, la police de demain peut faire davantage pour le tissu social qu’en débarquant dans des situations explosives armée jusqu’aux dents.

Cela dit, le chef Dagher fait preuve de transparence. Il reconnaît que son projet a rencontré une certaine résistance au sein de ses troupes. Résistance tout à fait normale à laquelle le chef de police répond avec fermeté, en essayant de rallier tout le monde par la force de l’exemple. C’est ce qu’on appelle du leadership positif.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Denis Turcotte, chef de police de la Ville de Québec

Ce leadership positif, tellement nécessaire, il semble malheureusement en manquer à l’autre bout de l’autoroute 20, au Service de police de la Ville de Québec. Il y a deux semaines, la vidéo d’une arrestation brutale a fait le tour des médias et déclenché plusieurs enquêtes. Aujourd’hui, nous en sommes à quatre vidéos différentes et trois enquêtes du BEI, en plus des enquêtes à l’interne et en déontologie. Elles nous en apprendront plus sur le contexte des interventions et le comportement possiblement problématique de plusieurs policiers, dont un en particulier qui semble avoir été impliqué dans plusieurs incidents.

Mais au-delà de ces faits, des questions se posent sur la culture qui règne au sein du SPVQ. Certains des évènements qui font l’objet d’enquêtes remontent à juillet dernier. Personne n’avait sonné l’alarme jusqu’ici ?

Est-ce à dire que ce genre de comportement est toléré à l’interne ? Ou que le chef de police, Denis Turcotte, entré en fonction en mai dernier, n’était pas au courant de ce qui se passait dans son propre service ? D’une manière ou d’une autre, son leadership est sérieusement ébranlé dans cette avalanche de mauvaises nouvelles. Il a annoncé jeudi un chantier pour sensibiliser ses policiers aux biais inconscients et à la diversité. Le temps dira s’il s’agit d’une réaction ou d’une réflexion plus profonde.

Il devrait peut-être s’inspirer de son collègue Fady Dagher. Car l’avenir de la police, c’est à Longueuil qu’il se trouve.

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