On ne va certainement pas se réjouir de voir le réseau de la santé albertain sur les genoux, mais on ne peut toutefois faire comme si on n’avait pas vu venir cette catastrophe.

Ni se priver d’en tirer des leçons.

L’homme est un animal qui a le pouvoir de déclencher des tempêtes.

C’est ce qui s’est produit en Alberta.

Si un prix en architecture de son propre malheur existait, le premier ministre de l’Alberta, Jason Kenney, et l’hygiéniste en chef de la province, la Dre Deena Hinshaw, le mériteraient.

En juin dernier, un Jason Kenney enthousiaste avait annoncé qu’il allait mettre fin à la quasi-totalité des mesures sanitaires en place en l’espace de quelques semaines.

Et c’est ce qu’il a fait !

En commençant par laisser tomber les limites au nombre d’invités qu’on pouvait recevoir à l’intérieur d’une maison ou lors d’évènements comme des mariages et des funérailles.

Ou décider, de façon presque généralisée, de ne plus imposer le masque.

Ou mettre la hache dans le système de tests de dépistage.

Même qu’au début du mois d’août, alors que le Québec venait d’annoncer l’implantation d’un passeport vaccinal, l’Alberta, elle, laissait tomber le traçage des contacts. Elle s’apprêtait aussi à ne plus exiger l’isolement de ses citoyens contaminés par la COVID-19 (une levée de boucliers a empêché cette initiative farfelue).

Les deux gouvernements ne vivaient pas sur la même planète.

L’un avait les deux pieds fermement sur terre.

L’autre, non.

Où en sommes-nous, près de trois mois plus tard ?

Jason Kenney a présenté ses excuses, dit adieu à son ministre de la Santé et vient de remettre en place plusieurs mesures et même d’introduire une forme de passeport sanitaire.

Il était temps…

L’Alberta compte maintenant tout près de la moitié des cas actifs au Canada. Rappel : on y trouve un peu plus de 4 millions d’habitants sur quelque 37 millions pour l’ensemble du pays.

Les hospitalisations ont bondi et les services de soins intensifs sont pleins à craquer. Ils fonctionnaient la semaine dernière à 88 % de leur capacité, qu’on a pourtant fait grimper au cours de l’été en faisant passer le nombre de lits de 173 à 350.

La situation a provoqué l’annulation d’un nombre important d’interventions chirurgicales. On rapportait récemment que toutes celles qui n’étaient pas urgentes avaient été reportées. Même celles des enfants.

La responsable des services de santé de la province, la Dre Verna Yiu, a frappé les esprits en expliquant que si le système peut actuellement traiter tous les malades de la COVID-19, c’est aussi « parce que certains de [ses] patients aux soins intensifs sont morts ».

Vous ne vous étonnerez pas d’apprendre que la province traîne la patte en ce qui concerne la vaccination. Seuls 73,2 % des citoyens de plus de 12 ans étaient pleinement vaccinés à la toute fin de la semaine dernière.

Les lunettes roses des dirigeants provinciaux y sont peut-être pour quelque chose. Il est pour le moins contradictoire de dire à ses citoyens que l’épidémie est terminée et de mettre fin aux mesures tout en cherchant à les persuader d’aller chercher leur deuxième dose au plus vite !

Nous voici donc au moment où, comme pour le Québec lors de la première vague, Ottawa se dit prêt à déployer en Alberta des membres des Forces armées et de la Croix-Rouge (après avoir reçu un S.O.S. du gouvernement Kenney).

Mais l’Alberta, elle, a eu tout le temps qu’il fallait pour apprendre de ses erreurs et de celles des autres lors des trois premières vagues.

La peur est une très mauvaise conseillère. Cependant, en pandémie, l’impatience l’est peut-être encore davantage.

On a tous envie de tourner la page sur cette crise.

De revenir à la normale au plus vite.

Ça se fait… graduellement.

Mais l’Alberta vient de nous faire la démonstration de ce qui peut se passer si on relâche les mesures trop rapidement, sans un nombre suffisant de citoyens pleinement vaccinés pour restreindre la circulation du virus.

De quoi nous conforter, ici, dans nos décisions.

D’ailleurs, au Québec, malgré les mesures en place, on projette que le taux d’occupation des lits dans les hôpitaux de la province va continuer d’augmenter au cours des prochaines semaines.

Imaginons ce qui se passerait si on décidait d’imiter l’Alberta et de mettre fin aux mesures sanitaires les plus efficaces…

Un retour à la normale ?

On en rêve, mais il serait prématuré d’en faire une réalité.

L’Alberta vient de nous le démontrer.

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