À écouter les rivaux de François Legault à Québec, on croirait que le nom du premier ministre figurait sur le bulletin de vote du scrutin fédéral.

« Je pense que le grand perdant de cette élection, c’est François Legault », a affirmé Dominique Anglade.

C’est « la personne qui a le plus perdu », a renchéri Paul St-Pierre Plamondon.

Ils exagèrent, bien sûr.

On peut nommer bon nombre de politiciens qui ont perdu davantage, de Justin Trudeau à Erin O’Toole, en passant par Maxime Bernier (qui n’est même plus capable de se faire élire dans sa propre circonscription !).

Cela dit, sur le fond, les rivaux de François Legault ont raison.

Le premier ministre du Québec a perdu.

Mais il minimise ce qui vient de se passer.

Il n’est ni piteux ni repentant.

Peut-être est-il politiquement impossible pour lui de faire autrement.

N’empêche que tout ça a l’air un peu surréel.

« Je félicite Justin Trudeau pour sa victoire. Je travaillerai avec lui pour faire avancer les intérêts du Québec », a-t-il écrit tôt mardi matin sur Twitter.

Comme si les deux hommes revenaient d’une fin de semaine de pêche ensemble et avaient une relation plus harmonieuse que jamais.

En conférence de presse, il affichait aussi une certaine désinvolture quant à son pari perdu et à l’impact potentiel de cet échec sur la relation avec Ottawa.

« C’est sûr qu’on a des différends. […] Mais pour le bien des Québécois, pour les intérêts des Québécois, on va travailler ensemble à essayer de faire avancer les dossiers. »

Même que ce qu’il faut retenir, à son avis, c’est surtout le fait que « le Québec est incontournable pour un parti qui veut un gouvernement majoritaire ». Et que les Québécois ont voté « bleu ».

Hum…

Permettez-nous de tirer une autre leçon de cet épisode.

Choisir de s’attaquer en pleine campagne électorale au parti fédéral qui risque fort de former le prochain gouvernement – et laisser entendre que les Québécois doivent voter pour l’opposition officielle – est un jeu dangereux.

On se gardera de tomber, pour notre part, dans les exagérations. On n’osera pas prétendre qu’on est en mesure de prédire toutes les conséquences sur la relation entre Ottawa et Québec de la prise de position de François Legault.

Mais ce qui est clair depuis la nuit des temps, c’est qu’on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.

Oh, la relation ne va pas devenir invivable du jour au lendemain !

Mais on ne peut pas vraiment croire que Justin Trudeau et son entourage vont balayer cet épisode du revers de la main, comme si rien ne s’était passé.

Personne à Ottawa n’osera le dire publiquement, mais on peut présumer que lorsque François Legault aura besoin d’un coup de pouce dans un dossier particulier (le troisième lien, par exemple !), on ne se bousculera pas pour lui rendre service.

Rappelons aussi que François Legault a irrité certains électeurs québécois qui n’ont pas aimé qu’on leur dise pour qui voter à Ottawa. Ça s’était déjà fait : plusieurs ont cité René Lévesque et son « beau risque ». Mais autres temps, autres mœurs, visiblement.

Il a aussi mis en colère des électeurs qui ont trouvé son approche très unidimensionnelle. Du genre : ne touchez pas aux compétences du Québec, mais pour le reste, vous pouvez bien faire ce que vous voulez.

Il est donc permis de penser que François Legault, lorsque les portes seront fermées et les caméras auront cessé de tourner, pourrait se désoler de cet épisode.

Il aurait de quoi s’exclamer lui aussi : « tout ça pour ça ! »

Mais peut-être, au contraire, ne s’arrêtera-t-il pas en si bon chemin ?

Peut-être place-t-il déjà ses pions en vue des prochaines élections provinciales ?

Le cas échant, cet épisode aura été un avant-goût de ce qui nous attend au cours des prochains mois : un duel mettant en scène capitaine Canada et ses normes nationales contre capitaine Québec, grand défenseur des intérêts de la nation québécoise.

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