Tout ça pour ça ! Trente-six jours de campagne et 612 millions de dollars plus tard, le Canada se retrouve à la case départ, avec un gouvernement minoritaire libéral, avec un Parlement qui aura pratiquement la même configuration.

Pari perdu, donc, pour Justin Trudeau, qui devra se plier à la volonté des Canadiens. Et la dernière chose que les électeurs souhaitent, c’est retourner aux urnes dans 18 mois, possibilité évoquée par le chef libéral lors des débats.

Alors, on ne peut que souhaiter que tous les partis fassent preuve d’humilité et de maturité politique, qu’ils retournent au parlement pour travailler ensemble. En équipe. Pour le bien commun de tous les Canadiens qui veulent en finir avec la pandémie et remettre le pays sur les rails.

Mais on le sait, l’appétit du pouvoir sans partage fait en sorte que l’espérance de vie moyenne d’un gouvernement minoritaire n’est que de 21 mois au Canada depuis les années 1950.

Or, ce n’est pas une fatalité.

Les politiciens doivent se faire à l’idée : les gouvernements minoritaires sont devenus monnaie courante au Canada. Depuis 2004, cinq des sept élections fédérales se sont soldées par un résultat minoritaire, si on inclut celles-ci.

Les partis politiques doivent se sortir de la tête l’idée qu’un gouvernement minoritaire n’est qu’une période de probation, en attendant le moment propice pour obtenir une majorité.

Il est vrai que trois gouvernements minoritaires provinciaux (Colombie-Britannique, Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador) ont profité de la pandémie pour déclencher des élections qui les ont menés à une majorité.

La recette n’a pas fonctionné au fédéral.

La grogne des électeurs mécontents d’avoir été appelés aux urnes, pour des raisons strictement partisanes, n’a fait que s’intensifier au fil de la campagne. Dix jours avant le jour J, plus des deux tiers de la population jugeaient toujours que le scrutin était inutile.

Les électeurs ont donc sanctionné les libéraux pour ne pas avoir été au bout de leur mandat, alors que le Parlement demeurait fonctionnel.

Bien sûr, un gouvernement minoritaire nécessite davantage de compromis. Mais cela n’empêche pas d’accomplir de grandes choses. On l’a vu dans le passé, au Canada et partout dans le monde.

Et la géométrie actuelle de la Chambre des communes, où le gouvernement pourra obtenir une majorité de voix tant avec l’appui du Bloc québécois qu’avec celui du Nouveau Parti démocratique, permettra aux libéraux de continuer à faire des alliances à la carte, selon les enjeux.

La démocratie y gagne, puisque ces alliances représentent souvent une plus grande proportion des électeurs qu’un gouvernement majoritaire qui peut être porté au pouvoir avec seulement 38 % du vote populaire, comme on l’a vu avec la Coalition avenir Québec.

Mais restons sur la scène fédérale.

Le gouvernement Trudeau aura fort à faire pour unifier le pays, qui est plus clivé que jamais, à l’issue d’une campagne où la démocratie en a pris pour son rhume.

On a même vu des manifestants lancer du gravier à la tête de Justin Trudeau.

C’est en conquérant ces orphelins politiques que Maxime Bernier a réussi à obtenir 5 % des voix à l’échelle nationale, ce qui démontre que le Canada n’est pas immunisé contre la montée d’un populisme plus radical.

Non, réconcilier le pays ne sera pas aisé.

La méthode O’Toole a été un échec. Lui qui promettait une chose et son contraire, en fonction de l’audience, a été mis face à ses contradictions en fin de parcours, ce qui a plombé sa fin de campagne.

Malgré les défis et les tensions, les partis politiques ont l’obligation de chercher de véritables voies de passage, en laissant derrière « certaines rancœurs du passé », comme l’a dit le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, à la lumière des résultats.

On ne peut pas retirer à un gouvernement minoritaire le pouvoir de déclencher des élections avant le terme de son mandat. Autrement, le Parlement pourrait se retrouver dans une véritable impasse. Mais c’est une arme à utiliser en dernier recours seulement.

C’est la leçon qu’on doit retenir de ces élections. Justin Trudeau dit avoir compris le message : « Ça ne vous tente plus qu’on parle de politique et d’élections », a-t-il dit dans son discours. Mais le message s’adresse à tous les partis qui doivent agir en toute bonne foi pour faire avancer le pays.

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