On ne peut vraiment pas appeler ça une marée humaine. À trois mois de la fin du programme d’immigration spécial destiné aux « anges gardiens », ces demandeurs d’asile qui ont prodigué des soins aux malades et aux personnes âgées pendant la pandémie, le gouvernement fédéral a reçu tout juste 1690 demandes en provenance du Québec.

De ce nombre, 890 ont reçu un premier feu vert d’Ottawa et ont demandé un certificat de sélection du Québec, deuxième de trois étapes dans l’obtention de leur résidence permanente. En date du 21 mai, Québec a délivré 1208 de ces documents aux demandeurs et aux membres de leur famille. Ils doivent de nouveau se tourner vers Ottawa pour l’étape finale. Un petit chemin de croix, même pour des anges.

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Neuf mois après l’annonce du programme, ça fait bien peu de monde à se prévaloir de cette entente spéciale. Et les experts en immigration seraient bien surpris de voir des milliers de personnes de plus envoyer des demandes à quelques semaines de la date butoir du 31 août.

Pourquoi si peu de candidats ? En partie parce que bien peu d’« anges gardiens » qui ont travaillé d’arrache-pied pendant la pandémie sont admissibles à ce programme balisé par Québec.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

À trois mois de la fin du programme d’immigration spécial destiné aux « anges gardiens », ces demandeurs d’asile qui ont prodigué des soins aux malades et aux personnes âgées pendant la pandémie, le gouvernement fédéral a reçu tout juste 1690 demandes en provenance du Québec.

Vous avez administré des médicaments et tenu la main d’un malade apeuré pendant la première vague ? Vous vous qualifiez. Vous avez préparé au même moment des repas dans un hôpital ou avez nettoyé les planchers et les chambres des mourants dans une résidence de personnes âgées ? Désolé, vos ailes ont beau être déployées, vous n’êtes pas assez haut dans la hiérarchie angélique pour mériter une résidence permanente rapide.

Pourtant, tous les travailleurs essentiels qui se sont serré les coudes pour permettre aux hôpitaux et aux CHSLD d’affronter la pandémie méritent de la reconnaissance, pas seulement ceux qui ont soigné directement les patients.

Idem pour tous ceux qui ont été au chevet des malades pendant la deuxième et la troisième vague et qui sont pourtant exclus. Pourquoi ? Leur contribution a été tout aussi essentielle que celle des employés de la première vague, surtout que les troupes au front étaient de plus en plus épuisées au cours des derniers mois.

On comprend donc les critiques qui dénoncent l’étroitesse des critères de Québec.

C’est sans compter que Québec n’a pas voulu participer non plus au programme lancé par Ottawa pour étendre la régularisation rapide aux travailleurs temporaires qui ont poussé à la roue pendant la pandémie.

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Aujourd’hui, statistique en main, les critères de Québec semblent aussi difficiles à justifier en termes de nombres. Le gouvernement de François Legault ne peut certes pas dire que ses quotas d’immigration ont été dépassés ! En 2020, le Québec a reçu quelque 19 000 immigrants de moins que le seuil maximal qu’il a établi à 44 500. Et les employeurs continuent de rappeler qu’ils ont 150 000 postes à pourvoir, dont des dizaines de milliers dans la santé.

Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il reste des places libres dans les rangs de la chorale pour quelques anges de plus.

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Ottawa a envoyé plusieurs appels de phares au gouvernement du Québec, offrant d’étendre le programme. La balle est dans le camp de la ministre de l’Immigration du Québec, Nadine Girault. Espérons qu’elle l’attrapera au bond.

Cependant, Ottawa a aussi son bout de chemin à faire pour rendre plus efficace et plus rapide l’étude des dossiers une fois que le Québec a donné son aval. Aucun demandeur du Québec n’a encore reçu sa résidence permanente. C’est un des irritants de la question.

D’ailleurs, pour remercier les anges gardiens de toutes sortes qui ont veillé sur nous pendant cette année difficile, ce serait fantastique que les deux ordres de gouvernement cessent de se tirailler sur les questions d’immigration. En ce moment, on a tous besoin d’un peu d’harmonie.

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