Dans un geste de réconciliation avec les Premières Nations, Montréal compte effacer le nom du général Jeffery Amherst de la rue qui porte son nom. Mais par quoi le remplacer? Comment effacer... sans oublier?

Voici les suggestions de nos quatre éditorialistes :

Rue du 8 septembre 1760



Comment effacer le nom du sulfureux Amherst... sans oublier Amherst? Comment cesser d'honorer cet homme... sans qu'il disparaisse de notre mémoire collective? C'est la question à laquelle on doit répondre avant de renommer la rue Amherst. La volonté d'effacer le nom de l'ancien général qui souhaitait justement effacer les Indiens de la surface de la Terre est certes compréhensible, mais cela ne doit pas être une opération de javellisation historique. Au contraire, il faut se souvenir. Et le simple fait de parler aujourd'hui d'Amherst en témoigne. Pour ne pas perdre la mémoire, on pourrait donc se rappeler la date de la capitulation de Montréal, et donc de la Nouvelle-France, aux mains d'Amherst.

On pourrait la nommer rue du 8 septembre 1760, pour se souvenir sans juger le passé. Quel geste d'une grande maturité que d'inscrire dans la toponymie un moment d'une aussi grande importance historique même si elle ne résonne pas de la même manière pour tous!

- François Cardinal



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Rue Kondiaronk



Alors que le général Amherst innovait en matière de guerre bactériologique, Kondiaronk construisait la paix. Malgré un belvédère à son nom au mont Royal, il reste plutôt méconnu. La rue Kondiaronk permettrait d'évoquer le meilleur des relations franco-autochtones sans céder à l'angélisme.

Le maire Coderre aime bien dire que Montréal serait un territoire mohawk non cédé. En fait, ces Iroquois venaient du Sud pour guerroyer avec d'autres nations. Il n'y avait donc pas un conflit entre les colons français d'un côté les nations autochtones de l'autre.

C'est plus compliqué. À l'époque, des Hurons proposent de pactiser avec les Anglais et les Iroquois; d'autres veulent plutôt s'allier les Algonquins et les Français. Kondiaronk fait partie de ce second clan. Sa ruse et sa diplomatie mèneront à la signature de la Grande Paix. À la fin juillet 1701, une quarantaine de nations affluent pour l'occasion à Montréal, incluant des Iroquois. Kondiaronk prononcera un discours marquant, puis mourra quelques heures avant la signature officielle.

L'historien François-Xavier Garneau note que jamais un Autochtone n'avait «montré plus de génie, plus de valeur, plus de prudence et plus de connaissance du coeur humain».

- Paul Journet



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Rue Mary Two-Axe 

La meilleure façon de nous rappeler pourquoi on a chassé le général Amherst du paysage montréalais est de le remplacer par une personnalité autochtone. Sauf que Montréal a un autre grave problème de toponymie : malgré les efforts récents, les femmes ne représentent que 6% des dénominations. Il faut leur donner plus de visibilité et cette artère centrale est une occasion qu'on ne peut pas se permettre de laisser passer. Mary Two-Axe Earley est une Mohawk originaire de Kahnawake.

Son combat pour retrouver le droit de vivre et d'être enterrée sur sa réserve a forcé Ottawa à corriger sa Loi sur les Indiens. Nommée officière dans l'Ordre national du Québec, elle demeure une source d'inspiration dans la lutte pour les droits des femmes autochtones, qui continuent à se battre pour que leur statut soit reconnu à l'égal de celui des hommes.

- Ariane Krol

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Rue Eleanor-Roosevelt

Au même titre que les hommes, les femmes d'ailleurs méritent d'être honorées à travers la métropole. Oui, bien sûr, il faut plus de noms de femmes d'ici dans la toponymie montréalaise. Mais pourquoi s'arrêter là? Le Collectif pour l'équité toponymique au Québec a incité l'an dernier les municipalités «à ne pas se cantonner à l'histoire locale». C'est une excellente suggestion et Montréal devrait s'en inspirer. Sur la liste potentielle de femmes qui ont marqué l'histoire mondiale, il serait naturel d'inclure Eleanor Roosevelt.

Elle est considérée comme la plus influente de toutes les premières dames de l'histoire des États-Unis, mais il faut aussi s'en souvenir pour son rôle clé aux Nations unies à la fin des années 40. Tout particulièrement lors de la rédaction et de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Sans compter qu'honorer une progressiste américaine serait aussi, bien sûr, un joli pied de nez aux idéologues conservateurs au pouvoir à Washington.

- Alexandre Sirois

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