La commission Charbonneau n'a pas beaucoup avancé la semaine dernière dans son mandat d'examiner les possibles ententes de collusion et de corruption et les activités d'infiltration du crime organisé dans l'industrie de la construction. Les commissaires et la procureure ont d'ailleurs démontré qu'ils n'avaient pas une bonne connaissance de la complexité du fonctionnement d'une grande organisation fédérative, et plus généralement des liens entre un banquier et un de ses principaux clients.

Les entreprises de M. Tony Accurso versaient 20 millions par année en intérêts pour les prêts de 138 millions consentis par le Fonds. Quand un client paie une telle somme, un banquier doit bien s'en occuper. Dans le mode des affaires, l'accès rapide aux dirigeants de l'institution est tout à fait normal. En cas de besoin de liquidités, le Cirque du Soleil et Guy Laliberté ne s'adresseront pas au gérant de la Caisse à Saint-Michel. Les dossiers des clients importants (surtout s'ils sont de bons payeurs) ne demeurent pas longtemps sur la liste d'attente.

Un client important peut également faire sentir à son banquier qu'il n'apprécie guère l'arrivée de concurrents parmi la clientèle de la banque. On ne veut pas que les officiers de crédit comparent nos bilans avec ceux des concurrents...

Les prêteurs se disputent pour garder ce genre de clients... avec parfois des gestes concrets comme, par exemple, l'invitation à des voyages de pêche et de chasse dans les lacs excentriques au nord du Québec. Ces excursions coûtent tout aussi cher qu'une croisière dans les Caraïbes. Le banquier qui partage ses truites avec ses clients n'en perd pas pour autant son sens critique et sa capacité d'appuyer sur la gâchette pour saisir les inventaires en cas de doute sur le remboursement.

La relation Arsenault-Lavallée

Dans une grande entreprise, le PDG nomme ses vice-présidents, leur transmet ses directives et peut les démettre à sa guise. Mais, dans une structure fédérale, la légitimité du président de la FTQ-Construction vient des membres qui l'ont élu. Le premier ministre du Canada ne peut faire la leçon à son collègue du Québec parce qu'il est à la tête de la fédération.

M. Arsenault ne pouvait ainsi donner de directives à M. Lavallée, à moins d'invoquer une décision du conseil de la FTQ. Le chef syndical a marqué des points quand il a expliqué à Me Sonia Lebel la limite de ses interventions auprès du no 1 de la FTQ-Construction.

En ce qui a trait aux irrégularités dans les comptes de certains dirigeants de la FTQ-Construction, là aussi les possibilités d'intervention sont limitées. On ne peut utiliser la tutelle si le problème identifié ne touche que quelques individus et non toute la direction ou l'ensemble de l'unité syndicale.

«Pourquoi ne pas avoir appelé la police?», demande la procureure. Ce n'est pas aussi simple que cela dans les grandes organisations, où le risque réputationnel est très sensible. Dans une firme privée ou publique, tout comportement discutable est souvent suivi du congédiement avec l'obligation souvent de remboursement pour éviter les procédures formelles. Les deux parties n'ont pas intérêt à externaliser des gestes inappropriés.

Le Fonds de solidarité FTQ doit continuer son excellent travail dans le financement des entreprises au Québec. Les responsables doivent faire preuve d'un solide jugement dans le recours à certaines pratiques de leurs concurrents bancaires. On doit chercher un rendement optimal, mais sans utiliser n'importe quelle pratique d'affaires.

Les propos de M. Arsenault des derniers jours confirment néanmoins que le travail d'un chef d'une grande centrale syndicale n'est absolument pas compatible avec le comportement que doit avoir le président du conseil d'une grande institution financière. Il faut choisir au plus tôt un successeur avec une solide crédibilité financière qui rassurera les quelque 615 000 actionnaires du Fonds actuellement à la recherche d'un abri pour la prochaine campagne du REER.

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