Sans une volonté renouvelée de parvenir à un compromis, on s'achemine vers un enterrement, prédisait le négociateur européen sur son blogue lundi soir. Peter Mandelson avait vu juste, l'accord a fait patate hier. Mais ce n'est que partie remise. Les agriculteurs québécois feraient mieux de s'y préparer.

Pour l'instant, rien ne change. Le système qui protège les producteurs canadiens de lait, d'oeufs et de volaille de la concurrence étrangère est toujours en place. Il ne faut cependant pas se leurrer. Si les 153 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce finissent par s'entendre, la gestion de l'offre risque de perdre des plumes.

Le ministre du Commerce international, Michael Fortier, et son collègue à l'agriculture, Gerry Ritz, jurent qu'ils ont défendu la gestion de l'offre à chaque occasion à Genève. On les croit. Sauf que les négociations ont achoppé à bien plus haut niveau, entre les États-Unis et les pays en développement, qui n'ont jamais réussi à s'entendre sur le mécanisme de sauvegarde destiné à protéger l'agriculture des économies émergentes. Et il y aurait eu bien d'autres difficultés à aplanir ensuite. Mais si les États-Unis, l'Europe, la Chine, l'Inde et le Brésil font un jour assez de compromis pour tomber d'accord, on voit difficilement comment le Canada pourrait ne pas lâcher du lest.

Le principal avantage de la gestion de l'offre, c'est la stabilité des prix. C'est surtout intéressant pour les agriculteurs et, dans une certaine mesure, pour les consommateurs. Mais ce système, comme n'importe quel autre, présente des inconvénients. Aux rayons des oeufs, du lait et de la volaille, le consommateur canadien ne bénéficie pas des effets de la concurrence. Et pour l'industrie, les possibilités d'exportation sont assez limitées.

Si les barrières tarifaires se mettent à reculer, les produits sous gestion de l'offre n'auront plus l'exclusivité du marché canadien. Par contre, de nouveaux territoires vont s'ouvrir à eux. Ce serait bête de ne pas en profiter.

Cela fait des années qu'Ottawa, Québec et les lobbies agricoles défendent le statu quo. Comme position de négociation, c'est tout à fait justifiable. Mais comme vision de l'avenir, c'est un peu mince. Il est grand temps de réfléchir à l'après-gestion de l'offre.

Il faut identifier des créneaux dans lesquels les produits canadiens pourraient se distinguer et mettre les transformateurs dans le coup, car leur potentiel d'exportation est beaucoup plus important. Les agriculteurs ne pourront pas le faire seuls. Les ministres de l'Agriculture doivent faire preuve de leadership, et être prêts à soutenir les projets qui ont du potentiel.

Plusieurs pays industrialisés, dont la France, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ont décidé que leur industrie agroalimentaire était un moteur économique important. Ils se sont donné les moyens de la développer et d'assurer son rayonnement à l'étranger. Pourquoi ne serions-nous pas capables d'en faire autant?

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