Le gouvernement conservateur et l'opposition officielle proposent aux Canadiens deux plans très différents de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

Malheureusement, à l'heure qu'il est, les citoyens sont loin d'avoir à leur portée suffisamment d'information pour se faire une idée de la valeur de chacune de ces propositions. Les élus sont les principaux responsables de cette situation, eux qui présentent leurs idées en ce domaine de façon simpliste ou incompréhensible, le tout enrobé de statistiques plus trompeuses que révélatrices.

Compte tenu de son passé de ministre de l'Environnement, bien des gens sont portés à croire que le Tournant vert de Stéphane Dion est naturellement plus ambitieux que le Cadre réglementaire du gouvernement Harper, dont la foi écologiste est aussi suspecte que récente. Toutefois, plus on y regarde plus on se pose de questions sur la taxe sur le carbone des libéraux.

Il manque dans le Tournant vert une information cruciale : quelles réductions des émissions de GES doit produire la taxe mise de l'avant par M. Dion? On ne trouve aucune indication à cet égard dans les documents publiés par le Parti libéral. Lorsque les journalistes de la chaîne Sun Media ont insisté pour en savoir plus, le chef libéral a donné cette réponse qui n'est pas digne de son intelligence : «J'ai confiance que nous obtiendrons des réductions significatives. Je ne vous donnerai pas de chiffres précis parce que vous ne me croiriez pas.»

Selon l'Institut Pembina, un groupe écologiste réputé pour la qualité de ses travaux dans le domaine des changements climatiques, «comme l'objectif d'une telle taxe est de réduire les émissions de GES, toute proposition de taxe sur le carbone doit comprendre un exposé des réductions attendues dans le temps». C'est une évidence.

La plupart des études faites sur cette question concluent que pour avoir un effet significatif sur les émissions de GES, une taxe sur le carbone devra grimper rapidement à un niveau beaucoup plus élevé que ce qu'envisage le plan Dion. Le Parti libéral affirme qu'il vise, pour 2020, des émissions 20% inférieures au niveau de 1990. Pour atteindre un tel objectif, il faudrait que la taxe sur le carbone soit quatre ou cinq fois plus élevée que ce qu'annonce le Tournant vert. Le prix de l'essence augmenterait de quelque 40 cents le litre!

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Le Cadre réglementaire sur les émissions industrielles présenté par le gouvernement Harper comporte, lui, des objectifs chiffrés. Le problème, c'est que les cibles imposées aux industries sont exprimées en intensité d'émissions plutôt qu'en plafonds absolus. Les scénarios permettant au gouvernement de prévoir que ces cibles d'intensité se traduiront en baisses nettes des émissions ne sont pas explicités. Le ministre de l'Environnement, John Baird, nous prie de le croire sur parole. C'est beaucoup demander!

Par ailleurs, en attaquant bêtement la taxe sur le carbone libérale («la taxe de Dion sur tout»), les conservateurs négligent d'admettre que leur propre plan se répercutera lui aussi sur le budget des consommateurs. Si les libéraux doivent nous dire quelles réductions de GES ils pensent atteindre, les conservateurs doivent indiquer aux Canadiens quel impact aura sur leur portefeuille l'application du Cadre réglementaire.

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Malgré l'enthousiasme récent des économistes et des écologistes pour les taxes sur le carbone, la supériorité de cet outil n'a pas été démontrée. Dans un dépliant sur la taxe qu'il vient de mettre en place, le gouvernement de la Colombie-Britannique évoque les cas de la Suède et de la Norvège, deux précurseurs dans ce domaine. Le document prend bien soin de ne pas dire que si les émissions de CO2 de la Suède ont été stabilisées, celles de la Norvège ont considérablement augmenté depuis 1990. La taxe sur le carbone ne serait donc pas aussi infaillible qu'on le soutient.

S'ils sont sincères lorsqu'ils affirment que la lutte contre les changements climatiques est l'enjeu le plus important de notre époque, les politiciens doivent se comporter en conséquence. Ils ont l'obligation morale et démocratique d'exposer franchement les politiques qu'ils proposent.

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