La prospérité des pays développés est de plus en plus fondée sur le crédit. La crise financière qui ébranle les États-Unis démontre que l'édifice, aussi éblouissante soit son architecture, a été construit depuis quelques années sur des bases trop fragiles.

Les titres du secteur financier américain ont enregistré hier leur baisse la plus brutale en huit ans. La semaine dernière, le prêteur hypothécaire IndyMac a été saisi par le gouvernement, étant incapable d'assurer ses obligations. Les rumeurs les plus folles ont ensuite couru sur deux des plus importantes institutions financières des États-Unis, Fannie Mae et Freddie Mac, dont le rôle est d'acheter les prêts hypothécaires et de les revendre sur le marché, ce qui permet aux banques de consentir davantage de prêts.

Les deux maisons détiennent ou garantissent la moitié des prêts hypothécaires chez nos voisins du sud, pour une somme gigantesque de 12 000 milliards. Si les deux FM faisaient faillite, c'est non seulement tout le marché hypothécaire américain qui s'effondrerait mais tout le système financier mondial qui serait ébranlé. C'est pourquoi Washington a fait savoir en fin de semaine qu'elle soutiendra Fannie Mae et Freddie Mac. Malgré cela, leurs actions ont poursuivi leur déclin hier.

Les marchés financiers sont tellement inquiets que chaque rumeur a un impact immédiat. À tel point que la Securities and Exchange Commission a annoncé la tenue d'une enquête sur ce qu'elle croit être la diffusion de fausses informations par des investisseurs peu scrupuleux.

Le point de départ de tout cela, on le sait, c'est que ces institutions financières ont consenti des milliards de prêts hypothécaires à des gens dont les finances personnelles étaient beaucoup trop fragiles. Cela a mené à la crise des «subprimes», qui a ébranlé la confiance des prêteurs et des investisseurs. La nervosité est si grande qu'elle menace maintenant des établissements qui, dans les faits, sont parfaitement sains.

Il serait trop facile de faire porter la responsabilité de la crise aux seuls prêteurs. Leur comportement est l'aboutissement inévitable d'un système dont l'objectif est d'accroître sans cesse les possibilités d'emprunt. Le but est noble : permettre au plus grand nombre d'Américains de devenir propriétaires. Mais l'affaire est aussi immensément profitable pour les acteurs de cette immense industrie. Et n'oublions pas la témérité des emprunteurs eux-mêmes, victimes consentantes du «achetez maintenant, payez plus tard» qui est devenu la devise de nos sociétés.

Le marché hypothécaire canadien n'a pas encore souffert de cette crise. Ce n'est pas que la philosophie soit différente. Chez nous aussi on a beaucoup moussé l'emprunt hypothécaire, notamment par le biais de la SCHL, qui joue ici le rôle attribué par Washington à Fannie Mae et Freddie Mac. Les prêteurs ont fini par succomber aux stratégies agressives de leurs homologues américains. Heureusement, Ottawa vient de réagir en imposant des règles (un peu) plus contraignantes aux prêts garantis par l'État.

Il reste qu'au Canada comme aux États-Unis, l'hyperendettement va de pair avec l'hyperconsommation. Un jour ou l'autre, la bulle éclatera.

apratte@lapresse.ca

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