Les ordonnances d'antidépresseurs sont en hausse chez les adolescents québécois. Leur nombre a triplé en cinq ans chez les 12-17 ans et a augmenté, de façon générale, chez les jeunes de 10 à 19 ans. Et ces données sont sous-estimées car elles ne tiennent pas compte des jeunes qui souscrivent à un régime d'assurance privé.

Cette consommation accrue d'antidépresseurs chez les jeunes force la réflexion. D'autant plus que Santé Canada n'est pas favorable à la prescription d'antidépresseurs aux moins de 18 ans. Ces médicaments peuvent causer des troubles de comportement comme l'agressivité ou la psychose paranoïaque et peuvent même conduire au suicide.

L'agence fédérale fait-elle preuve d'une trop grande prudence? C'est ce que croient certains psychiatres qui, pour leur part, se réjouissent de voir le nombre de suicides diminuer dans la population adolescente québécoise. Selon eux, il y aurait un lien de cause à effet entre les deux phénomènes. Même son de cloche au sud de la frontière. Une étude de l'American Journal of Psychiatry publiée l'an dernier montrait que, malgré les réticences de la Food and Drug Administration (l'équivalent de Santé Canada), les antidépresseurs diminuent le risque de suicide chez les adolescents et les jeunes adultes.

Il faudrait creuser davantage pour savoir si la diminution du nombre de suicides est attribuable à la consommation d'antidépresseurs. En attendant, on peut tout de même se questionner sur les raisons qui poussent les jeunes à se tourner vers les pilules. Le nombre de dépressions a-t-il augmenté ? Disposent-ils de moins de ressources pour faire face à leur mal de vivre ? Les médecins ont-ils tendance à recourir plus rapidement qu'avant à la médication ? Tous ces facteurs doivent être considérés.

Bien sûr, il y a des cas de dépressions sévères qu'il faut absolument combattre avec des moyens chimiques, mais ce n'est pas le cas de tous les états dépressifs. L'antidépresseur est également un moyen rapide de régler un dossier qui exigerait un investissement en temps et en argent qui n'est tout simplement pas envisageable dans notre système de santé actuel.

Récemment, plusieurs personnes ont sonné l'alarme à propos de la popularité des pilules au Québec. À commencer par le journaliste Paul Arcand avec son documentaire-choc, Le Québec sous ordonnance. Une enquête de La Presse publiée en février dernier démontrait, elle aussi, que certains médecins prescrivaient des antidépresseurs après seulement 10 minutes de consultation, et ce, à une patiente qu'ils n'avaient jamais vue auparavant.

C'est une situation inquiétante.

Dans bien des cas, le recours à la médication est inévitable. Mais il demeure des situations où la pilule ne représente qu'une option parmi d'autres. On peut se demander si nous accordons autant d'importance à ces autres options.

L'absence et le désengagement de certains parents, la pauvreté affective et intellectuelle dans lesquelles grandissent certains enfants, ainsi que le peu de temps que nous consacrons à entretenir les liens sociaux sont également responsables du mal de vivre de bon nombre de jeunes. Nous ne faisons pas toujours tout ce qu'il faut pour les aider.

Après la génération Ritalin, allons-nous assister à la naissance de la génération Prozac?

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