En voyant Marie-Pier Desharnais, une jeune femme sexy, se pointer au camp de base, les alpinistes masculins avaient tendance à ne pas la prendre au sérieux.

« On me disait : “Ben voyons donc, Barbie Marie dans les montagnes !”, raconte Marie-Pier Desharnais en entrevue. C’est comme si je n’avais pas l’image ou l’étoffe d’une personne qui peut faire des montagnes parce que je n’avais pas l’air tomboy. »

Elle s’est demandé si elle devait se dénaturer pour correspondre à une image établie, mais elle a finalement décidé de s’assumer.

« On s’est moqué de moi plus d’une fois, je me suis battue avec ça au début, mais en même temps, j’aime ça ébranler les certitudes des hommes, des figures masculines fortes. J’étais bonne, j’étais en forme, j’étais rapide. »

PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE L’HOMME

On n’a pas toujours pris Marie-Pier Desharnais au sérieux au camp de base. Elle a pris sa revanche en collectionnant les sommets.

Marie-Pier Desharnais a gravi les plus hauts volcans des sept continents. Elle a également réussi l’ascension de six des plus hauts sommets de ces continents, dont l’Everest. Mais surtout, elle est parvenue au sommet du K2, une montagne particulièrement dangereuse, beaucoup plus difficile que l’Everest. Elle est la seule Québécoise à avoir accompli cet exploit.

Elle vient d’écrire un livre, Nous sommes des montagnes, qui relate ses expériences en haute montagne. Le récit débute cependant au niveau de la mer, le 26 décembre 2004, à Phuket, en Thaïlande. Elle est en vacances sur la plage avec son père et la conjointe de celui-ci lorsque la terre tremble. Les trois sont submergés par le tsunami et survivent par miracle. Cette expérience change l’attitude de Marie-Pier face à la vie.

« Avec ce qu’on a vécu, on sait que la vie peut nous être enlevée. Je ne dirais pas que nous sommes insouciants, mais c’est comme si. »

L’intérêt pour les montagnes ne lui vient que beaucoup plus tard, lors d’un trek au Népal, en apercevant l’Everest. Elle commence par de petites montagnes, elle a des succès, des échecs, elle évolue.

Au début, j’essayais de prouver aux autres que j’étais capable de monter la montagne, j’avais une mission très égocentrique. Puis, en cours de route, je suis vraiment tombée en amour avec la montagne.

Marie-Pier Desharnais

Avec l’expérience, elle réalise que l’ego n’a pas sa place en montagne, un thème qui revient à de nombreuses reprises dans son livre.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Marie-Pier Desharnais espère inspirer les gens à passer à l’action, quel que soit leur objectif.

Chaque fois que je suis arrivée dans une expédition avec un peu d’arrogance, un peu d’ego, je me suis fait ramasser. Chaque fois que tu te penses bon, splash, la montagne se charge de te ramener un peu plus bas. Elle te rappelle qu’il faut avoir de l’humilité.

Marie-Pier Desharnais

C’est une leçon qui peut s’appliquer à tous, qu’on soit alpiniste ou non. Le livre vise donc un large public, mais les mordus de montagne trouveront quand même des informations intéressantes sur le déroulement d’une expédition, à commencer par le financement. Juste pour gravir le plus haut sommet de l’Antarctique, le massif Vinson, et son plus haut volcan, le mont Sidley, il faut débourser plus de 100 000 $ US.

« J’ai mal quand j’en parle, mon cœur, il squeek. Depuis le début, ça doit avoisiner le million de dollars que j’ai investis de ma poche, avec les billets d’avion, les assurances, l’équipement. »

Marie-Pier Desharnais a longtemps travaillé dans le domaine des entreprises, ce qui a aidé au financement de ses expéditions. Elle se consacre maintenant aux conférences et à l’accompagnement de groupes en montagne. Évidemment, elle n’a pas de maison. Et le REER, on n’en parle même pas.

PHOTO FOURNIE PAR LES ÉDITIONS DE L’HOMME

En entraînement au camp de base du K2

Dans son livre, Marie-Pier Desharnais aborde également la dynamique de groupe, notamment dans les expéditions très coûteuses comme l’Everest, qui oppose les alpinistes expérimentés aux clients d’expéditions commerciales.

Comme ça coûte cher, il y a des gens d’une certaine stature, des chefs d’entreprise qui veulent quasiment s’acheter un sommet. Finalement, ils se font rentrer dedans parce qu’ils réalisent qu’il faut la monter, la montagne.

Marie-Pier Desharnais

Il est question des stratégies pour s’acclimater, du danger de la fameuse fièvre des sommets, qui fait oublier toute prudence.

Le livre est très bien écrit. À la grande surprise de la principale intéressée. « Au début, je ne pensais pas que j’avais l’étoffe d’une autrice. Quand les Éditions de l’Homme m’ont contactée, j’ai dit non, j’haïs écrire, je veux un ghost writer. Finalement, j’ai essayé, les mots affluaient, j’ai écrit le livre au complet en trois semaines au Népal. »

Des expressions très québécoises émaillent le récit, comme « brailler sa vie ». « Les linguistes ont voulu me reprendre, mais c’est comme ça que je m’exprime, je veux que ça me ressemble, je veux que les gens s’identifient. »

Nous sommes des montagnes

Nous sommes des montagnes

Les Éditions de l’Homme

200 pages

Suggestion de vidéo

Éthérée

Incroyablement, il n’y a pas d’effets spéciaux dans cette très belle vidéo mettant en vedette la planchiste canadienne Spencer O’Brien.

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Chiffre de la semaine

14,4 %

C’est le pourcentage de femmes parmi les guides d’activités de plein air au Québec.

Source : Emploi Québec