Certaines choses ne se partagent pas. Un sentier de ski nordique, par exemple. Le passage d’un seul raquetteur ou d’un seul marcheur peut rendre le sentier non seulement désagréable, mais carrément dangereux.

Les organisations de bénévoles qui entretiennent les sentiers de ski nordique (ou ski de fond hors piste) doivent multiplier les efforts pour sauvegarder la pratique d’un sport qui a marqué les Laurentides avec des légendes comme Herman Smith-Johannsen, dit Jackrabbit.

« Dans un sentier de ski nordique, les raquettes vont faire un sillon étroit et profond, explique Daniel Bergeron, président de Plein Air Sainte-Adèle. Il sera à peu près impossible de faire un virage. Les descentes peuvent devenir très dangereuses. »

La neige qui encadre ce sillon durcit rapidement. Il devient extrêmement difficile de freiner.

« C’est comme si tu faisais du bobsleigh, il n’y a vraiment rien à faire, c’est vraiment dangereux, ajoute Dominique Hamel, responsable des communications au conseil d’administration de Plein Air Sainte-Adèle. Quand on parle de ski nordique, on parle de sentiers boisés, sinueux, très pentus. »

Les raquetteurs et les marcheurs ne sont pas au courant de ce problème. Souvent, ils ont marché tout l’été et l’automne sur un sentier, ils veulent continuer à y marcher en hiver, même s’il s’agit d’un sentier désigné pour le ski nordique.

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE RENÉE CLAUDE BASTIEN

Même lorsque l’affichage est clair, des raquetteurs empruntent parfois les sentiers de ski nordique.

Les organisations de bénévoles font pourtant des pieds et des mains pour faire savoir que tel ou tel sentier est réservé aux skieurs.

« Les gens vont dire : “Oh, je ne le savais pas”, déplore André Marcoux, président du sentier Inter-Centre, dans les Laurentides et Lanaudière. Pourtant, à la montagne Noire, nous avons mis une grosse banderole jaune, ça a 16 pieds de long, 2 pieds de haut, c’est marqué “Ski nordique seulement à droite et raquette à gauche”. »

La guide d’aventure Renée Claude Bastien rappelle que beaucoup de gens ont découvert le plein air avec la COVID-19.

Je pense que les gens ont un peu la perception que les environnements de pratique des activités de plein air sont des environnements libres de réglementation, libres de consignes.

Renée Claude Bastien, guide d’aventure

« Beaucoup ont l’impression que les environnements de travail, de société, sont contraignants et que la nature offre la possibilité de fuir un peu, poursuit-elle. Mais si on décide d’aller faire du plein air sur des réseaux qui sont partagés par d’autres types d’utilisateurs, il va y avoir des règlements associés à la pratique, il va y avoir aussi une éthique pour ne pas nuire à l’activité d’un autre utilisateur. »

Les bénévoles qui entretiennent les sentiers depuis des années ne veulent pas jouer à la police des sentiers, mais ils informent quand même les randonneurs lorsque ceux-ci ne sont pas à la bonne place.

« Les gens peuvent se sentir pris en défaut et devenir agressifs, note Dominique Hamel. Ce n’est pas notre but de confronter les gens, mais de les sensibiliser. »

La courtoisie est toujours de mise. « On peut rencontrer un propriétaire de terrain, explique Mme Hamel. On sait ce qui arrive lorsqu’on rencontre un propriétaire et qu’on le chicane : des tronçons se ferment. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Les sentiers partagés ne sont pas agréables pour les skieurs. Celui-ci tente de skier en dehors du sentier abîmé.

Plein Air Sainte-Adèle a fourni des tuques officielles ou des petites cartes plastifiées à ses bénévoles pour leur conférer un peu plus de crédibilité.

Dans le passé, Inter-Centre a créé des sentiers de raquette pour y rediriger des raquetteurs. Mais ce n’est pas une solution miracle, surtout pour de petites organisations.

Avec la popularité croissante de la raquette, Plein Air Saint-Donat a abandonné l’idée de sentiers réservés au ski nordique.

« Moi, je ne fais pas vraiment de ski nordique, mais mes amis qui en font me disent qu’idéalement, il faudrait des sentiers réservés, déclare France Chagnon, présidente de Plein Air Saint-Donat. Mais ça reviendrait à doubler les sentiers. Nous en avons 70 kilomètres, c’est impossible. »

Depuis quelques années, la SEPAQ ajoute des sentiers de ski nordique à son offre d’activités, mais il s’agit souvent de sentiers partagés avec la raquette.

« Ça ne marche pas », soutient André Marcoux.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

La SEPAQ offre des sentiers partagés, mais aussi quelques sentiers réservés au ski nordique, comme ici au parc de la Gaspésie.

Le porte-parole de la SEPAQ, Simon Boivin, explique qu’il ne serait pas possible d’avoir des sentiers réservés à chaque type d’activité.

Pour créer de nouveaux sentiers, il faudrait couper des arbres, fractionner le territoire. Ce n’est pas compatible avec la mission des parcs nationaux.

Simon Boivin, porte-parole de la SEPAQ

Renée Claude Bastien estime qu’on devrait réévaluer cette cohabitation. « On parle souvent de l’expérience client en plein air. Or, l’expérience client pour un skieur de fond nordique, c’est d’avoir des pistes [réservées] à la pratique de ski de fond nordique. »

Suggestion de vidéo

Sentiers partagés au Yukon

Une belle compilation d’animaux captés par des caméras automatiques au Yukon.

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Le chiffre de la semaine

- 51 oC

C’est la température la plus froide enregistrée au Québec, soit le 17 janvier 1982 à Belleterre, au Témiscamingue, et le 30 janvier 2002 à Poste-Montagnais, sur la Côte-Nord.