Inutile de lancer la commande « Allez ! » à Minnie Mouse. Après avoir trépigné d’impatience durant de longues minutes, la jeune femelle alaskan finit par s’élancer d’elle-même sur la piste, trop enthousiaste à la perspective de gambader au grand air. Le souci, c’est qu’à l’autre bout de la corde fixée à son harnais, se trouve un skieur peu expérimenté affairé à enfiler ses gants, agenouillé dans la neige.

Ce départ impromptu, alors que les lames de mes skis sont en travers du sentier, me fait aussitôt trébucher, et me voici traîné sur quelques mètres : une scène digne non d’un dessin animé de Disney, mais plutôt d’un cartoon à la Tex Avery.

  • Essayer le ski joëring, c’est possible dans Charlevoix, où la société de plein air Bosco propose cette activité depuis cette année.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Essayer le ski joëring, c’est possible dans Charlevoix, où la société de plein air Bosco propose cette activité depuis cette année.

  • Il est préférable de commencer par être tracté par un seul chien, mais une fois à l’aise avec le ski joëring, on peut en ajouter un pour plus de vitesse.

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    Il est préférable de commencer par être tracté par un seul chien, mais une fois à l’aise avec le ski joëring, on peut en ajouter un pour plus de vitesse.

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C’est à se demander qui, entre l’animal enjoué et l’humain néophyte, avait le plus hâte à cette initiation encadrée de ski joëring, aussi appelé ski attelé, où un ou deux pitous vous tractent en se lâchant. Avouons-le, une pointe d’appréhension s’est fait sentir, car « une base de ski » est requise pour s’adonner à l’activité et le concept semble un peu flou. Mais en gros, savoir garder l’équilibre, négocier un virage et freiner en chasse-neige se sont avérés des compétences suffisantes.

Et puis Roxanne Lazzaroni et Antoine Forest-Côté, fondateurs de la société de plein air Bosco, sont là pour nous guider et nous fournir les premières ficelles de l’activité. Jeune couple niché à Saint-Siméon, à la tête d’une meute de 29 toutous traités aux petits oignons, Roxanne et Antoine organisent depuis cet hiver, en marge de leur offre de sorties en traîneau à chiens, des séances de ski joëring dans un décor charlevoisien. Pratiquant déjà la discipline pour leur propre plaisir, ils souhaitent faire connaître cette drôle d’expérience à leur clientèle, mettant à disposition leurs animaux déjà rompus aux sorties en traîneau.

Revenons à Minnie en folie. Sur les conseils d’Antoine, j’attrape la corde près du harnais et je garde la jeune chienne près de moi, à coups de « wo wo » pour lui calmer un peu la truffe. Le faux départ, bien que faisant partie des éventualités, devient plus facile à désamorcer une fois l’énergie du canidé mieux jaugée. « Pour commencer, on ne t’a attelé qu’un seul chien pour que cela ne tire pas trop fort. Imagine quand il y en a deux ! », s’exclame le guide, lui-même tracté par Spike.

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Antoine installe un harnais à Minnie, femelle alaskan au petit gabarit, idéale pour débuter.

Une fois remis sur mes skis, on se lance sur les sentiers du terrain privé du couple, situé à deux pas du site de montagne des Palissades de Charlevoix. Les tracés totalisent une quinzaine de kilomètres, mais en fait, les circuits sont infinis. « Avec les sentiers, on a fait comme un gros bol de spaghettis, ce qui permet de faire toutes sortes de boucles et de trajets », explique Antoine.

Freiner, tout un art

Minnie est repartie, à toute vapeur et la langue pendante. Cette fois, alors que je suis bien campé sur mes skis, la mayonnaise prend. « Relâche peu à peu la corde pour le départ », préconise le guide de Bosco, qui m’épargne ainsi l’à-coup déstabilisant des premiers mètres.

On file sur la neige, un peu comme par magie, une sensation grisante au ventre.

Les genoux pliés pour simuler une position semi-assise, on sent nos mollets légèrement crispés, mais l’aventure est trop plaisante pour s’en formaliser.

Alors que s’approche le premier virage, une interrogation jaillit : pour ralentir ou freiner, comment on fait ? On se remémore les précieuses instructions d’Antoine, livrées plus tôt, avec plusieurs éléments à combiner : « Tu peux lancer au chien la commande “Doux, doux !” ou “wo, wo !”. Avec tes skis, tu peux te mettre en position “pointe de tarte”, comme en ski classique. Un autre truc, c’est aussi d’aller mettre l’un des skis dans le banc de neige folle sur les côtés. »

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La gestion des virages nécessite quelques essais, avant de devenir plus naturelle.

Je mets en application. Doux ! Doux ! Euh… Doux ? Doux ? Le ton autoritaire doit me manquer, puisque Minnie ne l’entend pas de cette oreille. Tentons la pointe de tarte. Ça marche pour ralentir la cadence et se préparer au tournant, en effet. Pour négocier ce dernier, on se dépatouille comme on peut, en levant l’un des skis, voire l’un après l’autre. Même si la première courbe a été ratée, même si on a vacillé sur la deuxième, la troisième et les suivantes sont passées sans encombre. Et pour l’arrêt total ? On s’essaie au ski dans le banc de neige… mais de façon un peu trop draconienne, bloquant abruptement les lames, ce qui cause une nouvelle culbute dans un matelas certes moelleux, mais glacial. Le secret, c’est d’y aller progressivement, en douceur. Du coup, c’est à soi-même que l’on s’ordonne les « doux, doux »… et ça fonctionne !

Formateur pour tous et pour les toutous

L’une des grandes questions qui nous taraudaient avant de commencer l’activité : est-il indispensable de savoir skier en « pas de patins » (soit en chassant les lames latéralement) ? La réponse est non, et j’en suis la preuve (encore) vivante. C’est en revanche un bon moyen pour commencer à apprendre cette technique. Sinon, on peut simplement se laisser tracter ou faire glisser ses skis vers l’avant. Mais attention, car chien qui court amasse fatigue. « Au départ, ils ont beaucoup d’énergie, mais il faut les aider en skiant derrière eux par la suite », indiquent les guides. D’où l’importance de laisser un espace suffisant entre le tracteur et le tracté, histoire que les pointes n’aillent pas heurter le popotin du pitou.

Et pour l’équipement ? Sangles et harnais sont prêtés, mais il faut apporter ses propres skis, bottes et bâtons, non fournis par Bosco. Ainsi que la fameuse « base de ski ». « On le précise bien quand il y a des réservations. Apporter son propre équipement, cela nous assure que la personne en a probablement déjà fait », indique Roxanne, autour d’un chocolat chaud offert après l’activité.

Les skis nordiques conviennent, mais les télémarks, backcountry ou snowblades sont également des options.

Il est même possible d’emmener son chien (minimalement athlétique, on s’entend), comme ce fut le cas pour un client qui a pu atteler son rottweiler, jumelé avec l’une des bêtes de Bosco.

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Antoine Forest-Côté et Roxanne Lazzaroni s’occupent de près de 30 chiens.

Amoureux de leurs 29 chiens formés au traîneau – ils sont capables de reconnaître le jappement de chacun au loin –, Antoine et Roxanne pointent également les bénéfices de l’activité pour leurs protégés. « Le ski joëring est idéal pour les former, au lieu de les placer tout de suite avec une gang sur un traîneau, ce qui génère du stress. Là, on est seul avec un chien, on peut se concentrer sur les commandes qu’on lui donne et en atteler un deuxième plus expérimenté pour lui montrer comment ça marche », explique Roxanne.

Le soleil disparaissant derrière les Palissades, c’est avec quelques poils sur les mitaines et des scintillements dans les yeux que l’on repart des lieux. Étant donné que mon vieux chat paresseux ne risque pas de me tracter un jour, tout cela donne presque envie d’adopter un pitou pour skier sur l’hiver.

Activité de 1 h 15 min environ, 80 $ par personne, à partir de 16 ans.

Consultez le site de Bosco Charlevoix