Avec le redoux qui plane sur le Québec, les conditions de ski, de patin et de glisse s’en vont à vau-l’eau dans de nombreux endroits. Le Mont-Castor, à Matane, doit même fermer ses pentes ce samedi.

« Il y a des places où il n’y a plus du tout de neige, c’est directement sur le gazon », témoigne Luc Gagnon, coordonnateur des opérations de la Corporation de gestion récréotouristique de Matane, en entrevue téléphonique.

Pour « conserver nos acquis », les 19 pentes demeureront fermées en ce début du week-end, a expliqué M. Gagnon dans une vidéo en ligne.

Le sort de la journée de dimanche se décidera la nuit prochaine.

« Ça n’augure pas très bien, pour être honnête », nous a indiqué M. Gagnon vendredi.

Le Mont-Castor n’a pas de canons à neige. Décembre a été si doux et si peu enneigé que la station a ouvert seulement le 20 janvier, du jamais vu en au moins quarante ans, témoigne M. Gagnon.

Le couvert neigeux n’est pas suffisant et ça ne permet pas d’absorber de grosses chaleurs et de grosses quantités de pluie.

Luc Gagnon, coordonnateur des opérations de la Corporation de gestion récréotouristique de Matane

Avec une ouverture si tard après les Fêtes, « pour à peu près n’importe quel centre de ski au Québec qui est dans la même situation, on peut parler de près de 30 % de perte de revenus », estime M. Gagnon.

Depuis le 1er décembre, la région a reçu « deux fois moins de précipitations de neige » que la moyenne saisonnière, confirme Jean-Philippe Bégin, météorologue d’Environnement Canada. Des températures de 3 à 4 °C sont attendues ce samedi et dimanche. « C’est sûr que ça ne va pas nous aider, surtout avec le temps froid qui va suivre derrière : c’est désastreux pour les pistes. »

Le mont Royal déserté

La montagne emblématique de Montréal n’en mène pas large non plus. Avec sa croûte de neige grisâtre qui se liquéfie sous un ciel plombé, le mont Royal était pratiquement désert vendredi après-midi.

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Marianne, Katherine et Marc-Antoine

« On avait de l’espoir ce matin, il faisait soleil », nous a lancé Marianne en avançant d’un pas incertain avec ses amis Katherine et Marc-Antoine. « C’est tout un défi ! C’est mouillé. Même dans la rue, c’est glissant ! »

Delphine, venue rejoindre une amie, faisait partie des rares skieurs à s’aventurer sur les pistes. « Ce n’étaient pas des super conditions, mais bon, ce n’est pas grave, on est ensemble, c’est ça qui compte. »

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John, venu visiter sa fille Cate avec les chiens de la famille

« On se croirait au printemps même si on est en février, ce qui est un peu absurde », a commenté Cate, venue se promener avec son père tout juste arrivé de l’Ontario. « Il n’y avait pas de neige à Toronto. Tant qu’à être au Canada, je préférerais avoir un hiver et de la neige, plutôt que des journées mornes », dit John.

Pour Pierre Yves Thériault, qui promène des chiens chaque jour à vélo, « un hiver comme ça, c’est l’horreur ». Il faut essuyer chaque chien avant de le laisser entrer chez son maître, et même avec des pneus cloutés, le sentier demeure glissant. « Donne-moi du - 10 °C à - 30 °C tout l’hiver et le printemps un jour, mais gèle-fond, gèle-fond, c’est épouvantable ! »

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Pierre Yves Thériault

La fonte se poursuivra ce samedi, puisque 8 °C sont annoncés dans la métropole. « On va ouvrir la piscine ! », plaisante Joseph Bassil, venu de Laval avec son fils Andrew pour marcher jusqu’à la croix du mont Royal.

Retour de l’hiver

Le redoux amorcé à Montréal jeudi, marqué par des températures de 5 à 6 °C, se poursuivra jusqu’à dimanche, journée de transition où le mercure amorcera une descente graduelle.

« Le sujet, la semaine prochaine, ça va être : “Ah bon, finalement l’hiver n’était pas terminé ?” », illustre le météorologue Jean-Philippe Bégin.

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Un mélange de glace, de neige et d’eau recouvre les trottoirs de la métropole.

Les moyennes pour cette période de l’année sont de - 4 °C le jour, et de - 14 °C la nuit, rappelle-t-il. Et à Montréal comme dans tout le sud du Québec, « on va être près ou en dessous des normales de saison pendant une bonne dizaine de jours ».

En attendant, « dans le sud du Québec, on flirte avec les valeurs record ». Des « températures d’autant plus exceptionnelles » qu’elles s’étendent « de l’Outaouais jusqu’aux portes de Québec, incluant évidemment la grande région de Montréal, les Laurentides, l’Estrie et la Montérégie ».

Environnement Canada a donc publié une « MetNote » dans les régions concernées, pour prévenir les automobilistes des « conditions routières changeantes » jusqu’en fin de matinée dimanche.

« Le redoux causera la formation de bancs de brouillard pouvant réduire soudainement la visibilité et une fonte des neiges posant des risques d’aquaplanage sur les routes secondaires », mentionne l’agence.

En fin d’après-midi vendredi, le mercure n’avait pas dépassé 6 °C à Montréal, alors que le record pour un 9 février est de 7 °C (atteint en 1990). Et le record du 10 février (8,8 °C en 2001) s’annonce « plus difficile à battre », avec un maximum prévu de 8 °C. « Donc on voit qu’on va flirter avec les températures record, sans les battre à plate couture », prévoyait M. Bégin vendredi.

Pas de janvier record ici

La planète a connu son mois de janvier le plus chaud jamais enregistré, avec une température moyenne de 13,14 °C, a rapporté l’AFP jeudi.

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À Montréal, la température moyenne a été de - 5,3 °C en janvier, alors que la normale y est de - 9,7 °C. « C’était doux, mais on n’était pas dans le top 5 », dit M. Bégin. C’est l’année 1950 qui détient la cinquième position, avec - 5,2 °C.

Par sa douceur, le mois de décembre 2023 est toutefois le troisième enregistré à Montréal, avec une température moyenne de - 1 °C, alors que la normale est de - 5,4 °C.

« Ce qui est particulier, c’est d’avoir décembre, janvier et un début de février qui est doux, [mais] le mois n’est pas terminé. Et on va avoir du temps froid qui s’en vient à partir de la semaine prochaine, donc ça va venir tempérer la situation », explique le météorologue.

Si l’hiver commence officiellement le 21 décembre, « l’hiver météorologique » inclut l’ensemble des mois de décembre, janvier et février, rappelle M. Bégin. Le retour sur la saison hivernale se fera donc seulement à la fin du mois chez Environnement Canada.