Les alpinistes ont entrepris le long processus d’acclimatation qui leur permettra (ou pas !) de faire l’ascension de grands sommets de l’Himalaya comme l’Everest ou le Lhotse. La plupart des équipes peuvent compter sur le soutien de Sherpas.

Le rôle de ces derniers a évolué au cours des années : ils sont passés de simples porteurs à alpinistes chevronnés et entrepreneurs sophistiqués.

Mais même aujourd’hui, la plupart ne bénéficient pas de toute la reconnaissance qu’ils méritent. C’est encore plus vrai pour les Baltis, les alpinistes du Pakistan.

L’auteure canadienne Bernadette McDonald a voulu leur donner une plus grande visibilité avec Alpine Rising, un livre qui tente de redonner un nom et une histoire aux dizaines de Sherpas et de Baltis qui ont permis l’exploration des sommets de l’Himalaya.

« J’ai eu l’idée d’écrire ce livre en travaillant sur un autre ouvrage qui portait sur l’ascension hivernale des sommets de plus de 8000 mètres, raconte Mme McDonald en entrevue avec La Presse. Une des personnes que j’ai interviewées était Ali Sadpara, un des plus importants acteurs dans le domaine des ascensions hivernales. »

C’était en 2016, Ali Sadpara venait de conquérir le Nanga Parbat avec un alpiniste basque et un alpiniste italien. C’était une première après des décennies d’efforts de la part de grands noms de l’alpinisme international.

« Je les ai vus lors de différents évènements et Ali Sadpara était toujours en arrière-plan, poursuit Mme McDonald. Il était traité un peu comme un citoyen de deuxième classe alors qu’il avait été le plus fort des trois. »

PHOTO FOURNIE PAR THE MOUNTAINEERS BOOKS

L’auteure Bernadette McDonald vit à Banff, en Alberta.

Je me suis demandé si c’était une situation isolée ou si c’était représentatif du traitement réservé aux grimpeurs locaux. J’ai commencé à creuser et j’ai vu une constance : un manque de reconnaissance.

Bernadette McDonald, auteure

Elle a réalisé que beaucoup de rapports d’expédition ne mentionnaient même pas les noms des alpinistes locaux. Leurs conditions de travail étaient pourtant difficiles et plusieurs subissaient de graves blessures quand ils ne perdaient pas carrément la vie.

Avec les années, les Sherpas les plus prometteurs ont eu accès à des formations qui leur ont permis de prendre du galon dans les expéditions occidentales et d’améliorer leurs conditions de travail.

« Le tournant, c’est l’internet et les réseaux sociaux, affirme Mme McDonald. Ils ont compris comment utiliser les réseaux sociaux pour faire leur propre promotion et raconter leurs propres histoires. »

PHOTO TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK DE NIRMAL PURJA

Le Népalais Nirmal Purja est un des grands noms de l’alpinisme dans l’Himalaya.

L’exemple extrême est Nirmal Purja (ou Nimsdai), un alpiniste népalais qui a atteint un statut de superstar, notamment en enregistrant un record de rapidité dans l’enchaînement des 14 sommets de plus de 8000 mètres. Il dirige maintenant sa propre agence de trekking et d’alpinisme.

Bernadette McDonald a constaté un certain retard au Pakistan par rapport au Népal.

« Les alpinistes sont encore très pauvres et font ce travail pour soutenir leur famille », affirme-t-elle.

L’alpiniste québécois Louis Rousseau, qui s’est attaqué à plusieurs sommets de 8000 mètres au Pakistan, explique que les grimpeurs pakistanais, comme les Baltis, n’ont pas eu accès aux mêmes formations que les Népalais.

« Ça va prendre de gros efforts, mais il y a quand même des exceptions au Pakistan, des superstars, des grimpeurs de très haut niveau. »

Il apprécie le travail de Bernadette McDonald pour relater l’histoire des alpinistes locaux, une histoire qui restait un peu cachée.

Elle aurait même pu couvrir encore plus large parce que dans la cordillère des Andes, il y a également ce phénomène de grimpeurs locaux, il y a eu beaucoup d’investissements pour former des guides professionnels, qui ont développé à leur tour le tourisme de montagne.

Louis Rousseau, alpiniste

Jusqu’à maintenant, la communauté alpine a bien accueilli Alpine Rising. « On me dit surtout : il était temps ! », s’exclame Mme McDonald.

Le site spécialisé ExplorersWeb a toutefois critiqué l’ouvrage en affirmant qu’il ne présentait qu’un seul côté de la médaille, celui des alpinistes locaux.

La journaliste Angela Benavides parle notamment d’un évènement violent survenu sur l’Everest en 2013 entre un groupe de Sherpas et les alpinistes occidentaux Simone Moro, Ueli Steck et John Griffith.

« C’est vrai que je présente le côté des Sherpas dans cette histoire, affirme Bernadette McDonald. L’idée de ce livre est justement de donner une voix aux alpinistes locaux. Je ne peux pas vraiment m’excuser. »

L’auteure canadienne indique toutefois qu’ultimement, il appartiendra aux Sherpas, aux Baltis et aux autres alpinistes locaux de raconter leurs propres histoires.

« J’ai tenté de laisser leurs voix parler, mais il reste que c’est filtré à travers moi. »

Les Éditions du Mont-Blanc devraient publier Alpine Rising en français au cours des prochains mois sous un titre qui reste à déterminer.

Alpine Rising

Alpine Rising

The Mountaineers Books

272 pages

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On aime le printemps. On aime aussi les louveteaux qui découvrent leur environnement dans le nord du Minnesota.

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Le chiffre de la semaine

5

C’est le nombre de sommets de plus de 5000 mètres au Canada, tous situés au Yukon.