Apprendre à partir de ses erreurs, ça peut être un peu douloureux. Apprendre à partir des erreurs des autres, c’est déjà plus confortable, et presque aussi bénéfique. L’entre-saison est un moment parfait pour potasser les rapports d’accident et en retirer des enseignements.

« Plus tu t’informes sur les conséquences des erreurs que les autres ont faites, plus tu es capable de te projeter et de te dire : “Heille, la personne est comme moi”, lance le guide de montagne Dominic Asselin. On a souvent la vision que ceux qui meurent ou qui ont des accidents sont des imbéciles, ou qu’ils ont zéro expérience. Oui, parfois, c’est ça, mais dans leur tête, ils pensaient qu’ils avaient de l’expérience, ils pensaient qu’ils avaient affaire sur ce terrain-là. »

La lecture des rapports d’accident permet de constater les erreurs commises.

« Ça nous amène à sortir d’une espèce de pensée magique qui met la cause sur des facteurs extérieurs : des bris d’équipement, des situations exceptionnelles qu’on n’aurait pas pu prévoir, déclare M. Asselin. Mais la majorité des accidents sont plutôt liés à une chaîne de prises de décisions, à l’inexpérience, à la fatigue. »

Dans le monde de l’escalade et de l’alpinisme, l’American Alpine Club publie chaque année Accidents in North American Climbing, un rapport qui analyse des accidents survenus aux États-Unis, au Canada et au Mexique, rapportés par des guides, par des rangers ou par les participants eux-mêmes.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La plateforme SERAC offre des rapports d’accident dans les Alpes.

Une compilation permet de constater que dans 49 % des cas, la chute est la principale cause des accidents en escalade et en alpinisme.

Le bris d’équipement n’est la principale cause que dans 0,2 % des cas. C’est moins que le fait d’être frappé par la foudre (0,65 % des cas).

Le site Camptocamp héberge une plateforme de partage d’expériences d’accidents et d’incidents en montagne, SERAC. Les récits et analyses sont en français et émanent essentiellement des Alpes. Certains évènements sont dramatiques (avalanches), d’autres plus bénins (erreurs d’itinéraire), mais tous sont analysés avec la même rigueur. On note les conditions météo et de terrain, on évalue la préparation physique et le niveau technique des participants, on examine leurs motivations. On étudie la gestion du groupe, le niveau d’attention, l’évaluation des risques. On souligne les éléments ayant aggravé les conséquences de l’évènement et ceux qui les ont atténuées.

Une alpiniste française, Maud Vanpoulle, a rédigé une thèse de doctorat sur « l’accidentologie des sports de montagne » à partir des témoignages déposés sur SERAC. Elle a publié deux articles sur le site Montagne Magazine qui vulgarisent ses travaux. Elle parle de sports de montagne, mais il est facile de transposer ses conclusions à d’autres sports, comme la randonnée pédestre.

Elle parle ainsi de facteurs qui jouent un rôle dans les accidents, comme une perception de facilité, une difficulté plus importante que prévu, une perte d’énergie qui diminue la vigilance et affecte le processus de prise de décision.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Les facteurs qui jouent un rôle dans les accidents en montagne peuvent aussi apparaître dans des randonnées en terrain moins extrême.

Et il y a ce qu’elle appelle le poids de l’objectif : le désir d’atteindre le sommet, coûte que coûte. Quitte à ignorer des signes inquiétants, comme une météo qui se détériore ou une fatigue extrême chez un des participants. Surtout si on a mis beaucoup de temps et d’argent dans le projet.

Les gens sont beaucoup plus prêts à mourir avec moi dans les voyages les plus chers que je vends que dans les voyages les moins chers. Je leur dis : ""OK, mettons que tu meurs. Il n’y a personne qui va dire qu’au moins, tu es mort pour 14 000 $ ».

Dominic Asselin, guide de montagne

Le bilan hebdomadaire des rangers forestiers de l’État de New York constitue une autre bonne source de rapports d’accident. Leurs récits font surtout ressortir un manque de préparation, comme celui-ci, relatant un évènement (une blessure à une cheville) survenu le 9 mars dernier sur le mont Whiteface.

« Lorsque les rangers ont rejoint les trois randonneurs du Québec, ils ont constaté que la blessure n’était pas sérieuse, mais que les randonneurs étaient mal préparés pour les conditions. Un seul des trois avait des crampons et tous portaient des leggings sans une couche additionnelle de pantalons. En outre, les randonneurs n’avaient pas de lampes frontales ou d’aide à la navigation et ils n’avaient plus d’eau. »

Le rapport conclut, diplomatiquement, qu’après avoir ramené les randonneurs en lieu sûr, les rangers les ont éduqués au sujet de l’importance de bien se préparer.

Consultez la plateforme SERAC Consultez l’analyse sur l’alpinisme en rocher de Maud Vanpoulle Consultez l’analyse sur l’alpinisme en neige et glace de Maud Vanpoulle

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La skieuse américaine McKenna Petersen dévale les montagnes de l’Idaho sur la musique de Lisa LeBlanc. Ça décoiffe.

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Le chiffre de la semaine

57 800

C’est le nombre de portions de viande que les Banques alimentaires du Québec ont pu distribuer grâce à la générosité des chasseurs en 2023.