La semaine dernière, François Legault a dit souhaiter que le Stade olympique devienne un « symbole positif » pour le Québec. « Ça prend un toit et on est en train de regarder différents scénarios », a-t-il dit.

Émettre un commentaire semblable durant une mêlée de presse, c’est une chose. Annoncer formellement un investissement de plusieurs centaines de millions de dollars pour le concrétiser en sera une autre !

On le sait, la facture sera salée. Si les deux toitures du passé ont été des échecs malgré leur coût prohibitif, une solution fonctionnelle, d’une durée de vie de 40 ou 50 ans, ne sera pas donnée. Deux autres facteurs alourdiront encore la note : le remplacement de l’anneau technique et l’inflation dans les coûts de construction.

Alors, combien de centaines de millions faudra-t-il pour boucler l’affaire ? La direction du Parc olympique en a sûrement une bonne idée, mais garde le silence. Ce n’est pas une mauvaise stratégie dans la mesure où ce sera au gouvernement de trancher, sans doute en 2024.

Hé oui, l’heure de vérité approche. L’étape cruciale du dépôt du dossier d’affaires, une obligation au Québec pour les projets d’infrastructures publiques supérieurs à 50 millions, sera bientôt franchie.

Il s’agira d’un moment clé puisque, comme l’explique le Parc olympique sur son site, son éventuelle approbation par le gouvernement permettra « de conclure le contrat de réalisation de la nouvelle toiture ».

Évidemment, cette affirmation a son côté B : en cas de refus, il faudra se résoudre à retirer la toiture actuelle, maintenue en place de peine et de misère depuis plusieurs années. Et le Stade se retrouvera sans toit.

S’agirait-il d’un si grand mal ? Après tout, ce fut le cas de 1976 à 1987. Mais à cette époque, les Expos en étaient le principal locataire. Que le Stade ne soit pas utilisé en hiver était alors moins grave. Aujourd’hui, il doit être disponible toute l’année pour en tirer le plein potentiel.

Mais à mes yeux, il y a plus important : si le projet de nouvelle toiture ne va pas de l’avant, c’est le formidable élan du Parc olympique qui sera stoppé net et sec.

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J’entends déjà les commentaires de certains : mais de quel « formidable élan » parlez-vous, cher chroniqueur ?

Je comprends cette réaction. On entend plus souvent parler des problèmes du Parc olympique que de ses considérables succès. François Legault a bien raison de parler de « symbole négatif ». Mais la réalité doit aussi avoir ses droits.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le premier ministre du Québec, François Legault

Aujourd’hui, la tour du Parc olympique est entièrement occupée par des bureaux tous loués. Le centre sportif et ses installations aquatiques ont été complètement rénovés et sont absolument magnifiques. L’Institut national du sport du Québec, endroit de référence pour l’élite, y a ses quartiers généraux.

Le funiculaire qui conduit au sommet de la tour et l’observatoire sont aussi en réfection. Et d’autres endroits du complexe, non accessibles au public comme la centrale thermique, ont été modernisés.

Mine de rien, environ 500 millions ont été dépensés au cours des dernières années pour entretenir et améliorer les principales antennes du Stade. Sans compter les nouveaux édifices qui ont vu le jour dans le quadrilatère olympique, comme le stade Saputo et le Planétarium. L’esplanade est aussi devenue le site de nombreux rendez-vous populaires.

En clair, le quadrilatère du Parc olympique est un immense actif pour Montréal. Des millions de personnes s’y rendent chaque année. Et tout cela n’est situé qu’à quelques stations de métro du centre-ville, ne l’oublions pas.

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Oui, la réalité doit avoir ses droits lorsqu’on parle du Parc olympique. Mais elle doit aussi être prise en compte en analysant les coûts du remplacement de la toiture. Et c’est là que le dossier se complique.

Aujourd’hui, le Québec croule sous les besoins. Des milliards sont nécessaires pour rénover nos infrastructures et en construire de nouvelles : écoles, hôpitaux, systèmes de transports en commun… Quelle place pour le Stade olympique dans tout ça ?

La solution facile, bien sûr, c’est de décréter qu’il ne s’agit pas d’une priorité et de faire une croix sur la nouvelle toiture. Ce sera peut-être tentant pour M. Legault de dire, oui, oui, je le reconnais, il faut un nouveau toit, mais ce n’est pas le bon moment, attendons encore un peu…

Le problème avec cette approche, c’est que ce ne sera jamais le bon moment ! Peu importe si on se projette en 2030, il est illusoire de croire que l’annonce d’un nouvel investissement colossal dans le Stade provoquerait alors une ovation des contribuables.

Mais le rôle du gouvernement est aussi de préserver des actifs toujours utiles, qui contribuent au rayonnement de Montréal, et dans lesquels des centaines de millions ont déjà été investis.

Cela dit, ce sera un arbitrage délicat pour le gouvernement. C’est une bonne chose pour le Parc olympique que les prochaines élections québécoises n’aient pas lieu avant 2026, car je doute que M. Legault puisse aimer que ce dossier devienne un enjeu électoral. C’est le genre d’affaire qu’un gouvernement règle si possible dans la première moitié de son mandat, un peu comme une augmentation de 30 000 $ par année des salaires des députés…

Au micro de Paul Arcand au 98,5 FM jeudi dernier, Michel Labrecque, président du Parc olympique et porteur du projet, a reconnu la délicatesse du dossier. « C’est une décision d’État », a-t-il dit, ajoutant qu’elle n’était « pas facile » à prendre.

Ça, c’est le moins qu’on puisse dire. On saura bientôt jusqu’à quel point M. Legault est sérieux quand il soutient avec conviction que le Stade a besoin d’un nouveau toit. L’histoire du troisième lien dans la région de Québec a démontré qu’il change parfois d’idée.