(Québec) François Legault s’est engagé à ne « jamais » hausser les tarifs d’électricité au-delà de l’inflation ou d’un plafond de 3 %. Un projet de loi sera déposé. Il réagissait à une déclaration du PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, qui anticipe une hausse du coût de l’électricité dans les prochaines années.

« Je veux être très clair. Contrairement aux gouvernements du Parti libéral et du Parti québécois, qui ont augmenté tous les deux les tarifs d’électricité de 4-5 % alors que l’inflation était à 2 %, nous, on ne fera jamais ça. On ne fera jamais ça. Ça ne peut pas être plus clair », a lancé le premier ministre en Chambre, mercredi.

Il était talonné par le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, qui lui a demandé à s’engager « à ce que les tarifs d’électricité des Québécois ne subventionnent pas directement ou indirectement les projets batterie ».

François Legault a répondu qu’il n’était « pas question de les augmenter ».

Je veux rassurer tous les Québécois : ce qu’on est en train de faire avec Northvolt, la batterie, ça va être payant, ça n’aura aucun impact sur les tarifs résidentiels, et je continue à penser qu’on a pris la bonne décision.

François Legault

Mercredi matin, Radio-Canada a révélé que le PDG de la société d’État, Michael Sabia, estime que les tarifs d’Hydro-Québec devraient être augmentés puisque l’électricité est devenue un « actif précieux » et que le coût des nouveaux approvisionnements sera à la hausse. La construction de nouvelles centrales hydroélectriques ou l’érection de champs d’éoliennes, par exemple, se traduira par la production d’une énergie plus coûteuse que celle actuellement consommée par les Québécois.

M. Sabia a fait ces commentaires lors d’une réunion en ligne avec des employés, à la fin du mois de septembre. Il estime que l’augmentation de la production d’électricité aura un impact sur les tarifs. « Est-ce qu’il y aura une tendance d’une augmentation [de tarifs] ? Je pense que oui », a-t-il dit, rapporte Radio-Canada.

Choc tarifaire

Pour éviter ce « choc tarifaire », François Legault envisage donc de rendre permanente la loi qui plafonne les tarifs d’électricité à 3 % ou à la valeur de l’inflation jusqu’en 2025.

Mercredi matin, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, avait été moins catégorique que le premier ministre. Il avait souligné que la Régie de l’énergie devait faire une étude qui lui permettrait de déterminer quels seraient les tarifs, comme le prévoyait la loi 34 adoptée par le gouvernement Legault lors de son premier mandat.

« La Régie fait un travail pour revoir le coût de service, et basé sur ça, on a souvent des tarifs qui vont augmenter. M. Sabia a indiqué que probablement que les coûts de service vont augmenter. Donc la Régie va peut-être décider qu’il y aura peut-être des coûts additionnels », avait-il dit. « On a décidé que pour le résidentiel, il y aura un plafond jusqu’en 2025 », avait-il ajouté.

Après la déclaration de M. Legault, le ministre a toutefois compris le message. « Si on veut que le 3 % demeure en permanence, il faut changer la loi. M. Legault a mentionné son intention politique. Au niveau législatif, il faut faire quelque chose », a-t-il affirmé.

En 2025, si on ne fait rien, les tarifs vont augmenter. Si on veut faire ce que M. Legault a dit, il faut changer la loi.

Pierre Fitzgibbon

« Très, très mauvaise idée »

Pour l’expert en politiques énergétiques Sylvain Audette, professeur invité à HEC Montréal et membre associé de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie, il s’agit toutefois d’une « très, très mauvaise idée ». À son avis, une telle loi va nuire à la transition énergétique et à l’électrification de l’économie du Québec.

En résumé : les nouveaux approvisionnements vont coûter de plus en plus cher, et demanderont des investissements toujours plus grands d’Hydro-Québec, qui devra les financer d’une façon ou d’une autre. À son avis, « 3 % de hausses sur des tarifs déjà bas vont seulement creuser l’écart avec les autres juridictions et réduire considérablement les rendements et les capacités d’investissement d’Hydro-Québec ».

Nécessairement, dit-il, les « 200 térawattheures actuels » ont coûté moins cher à produire, à transporter et à distribuer que les « 100 térawattheures à produire d’ici 2050 ».

« C’est bon politiquement, mais très mauvais pour réussir une vraie transition énergétique lorsque les coûts augmenteront forcément plus rapidement que l’inflation et alors que nous voulons inciter des mesures d’efficacité énergétique et de « frugalité » ! », estime M. Audette.