(Québec) François Legault a déjà brossé un portrait très favorable des finances d’un Québec indépendant : il estimait à 17 milliards sur cinq ans les gains qu’engrangerait alors un État souverain.

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon doit présenter lundi un aperçu des finances d’un futur État du Québec.

M. Legault avait déjà effectué le même exercice, avec des conclusions différentes que celles qu’il tire aujourd’hui. En mai 2005, alors député péquiste, comptable et ancien homme d’affaires, il avait mis à jour toutes les études sur le partage de la dette, les chevauchements et dédoublements, revenus et dépenses, etc.

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Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon

C’était pourtant un exercice miné pour le Parti québécois (PQ), puisque le premier « budget de l’an 1 » présenté par Jacques Parizeau en 1973 et discrédité par ses adversaires fédéralistes, avait sans doute contribué l’échec du parti aux élections générales de cette année-là.

Mais François Legault, résolument souverainiste à l’époque, y croyait. C’était bien avant qu’il abandonne le PQ en 2009 et fonde la CAQ en 2011. Aujourd’hui il brandit la menace de pertes d’emplois advenant l’indépendance et répète que les Québécois « ne veulent pas de référendum ».

Les « vieilles peurs »

Le document que M. Legault signait en 2005 « dissipe les vieilles peurs sur la précarité économique d’un Québec souverain et remet en question les arguments à propos de la soi-disant rentabilité du fédéralisme », écrivait-il dans la préface.

« C’est non seulement pertinent, aujourd’hui, le projet de souveraineté, mais c’est devenu urgent », avait-il même déclaré, dans un segment télévisé que le Parti québécois (PQ) a repris pour faire la promotion de son annonce de lundi prochain.

Il estimait alors que l’effet financier des revenus récupérés au fédéral et des nouvelles dépenses assumées s’élèverait au total à un surplus de 17 milliards pour un Québec souverain sur 5 ans, entre 2005 et 2010, chiffres à l’appui, « une fois le plein effet des économies dégagées de l’élimination des coûts de chevauchements ».

En contrepartie, il estimait qu’un Québec qui resterait une province se dirigeait vers un déficit accumulé de 3,3 milliards sur cinq ans, en raison de la hausse plus rapide des dépenses par rapport à ses revenus et du « déséquilibre fiscal » avec le fédéral.

En croisant ces données, M. Legault concluait donc que le Québec souverain disposerait au final d’une « marge de manœuvre » de 13,8 milliards après cinq ans, en assumant les mêmes programmes et services que le fédéral, précisait-on.

Dans ses évaluations, l’élu péquiste jaugeait que le Québec récupérerait une moyenne de 20 % des revenus du fédéral, soit 37 milliards sur 185,7 milliards à l’époque. Il estimait en outre que le Québec allait devoir se priver à de 9,6 milliards en transferts fédéraux.

M. Legault statuait aussi que tous les fonctionnaires québécois à l’emploi du fédéral allaient être intégrés à la fonction publique québécoise.

Dette fédérale

Bien sûr celui qui était alors député péquiste s’attardait aussi à la dette fédérale, qui était maîtrisée à l’époque, 10 ans après le coup de barre donné par le premier ministre Jean Chrétien : à l’époque Ottawa engrangeait un surplus budgétaire massif de 9 milliards !

Il fallait donc que le Québec assume sa part des passifs du fédéral évalués alors à 693 milliards, soit la dette, les comptes de retraite et autres éléments de passif.

En fonction des différents calculs et études de l’époque, cette part est estimée à 18,2 % : donc le Québec indépendant devait hériter de 126 milliards de passif fédéral, mais aurait récupéré par ailleurs 32 milliards d’actifs fédéraux, calculait M. Legault.

C’était il y a presque 20 ans.

Dans une étude citée par M. Legault dans son exercice, le Conference Board du Canada prévoyait que le gouvernement fédéral amasserait un surplus budgétaire de 80 milliards par an en 2019-2020.

Ce n’est évidemment pas ce qui est arrivé.

En huit ans, la dette fédérale a doublé, passant de 628 milliards à 1220 milliards et la taille de la fonction publique fédérale a augmenté de 40 %, a déploré cette semaine Paul St-Pierre Plamondon. Il interpellait alors M. Legault en Chambre en dénonçant le gaspillage des fonds publics québécois par Ottawa.

Le partage de la dette fédérale sera par conséquent un volet essentiel du document que soumettra le chef péquiste lundi.

Son adversaire caquiste François Legault se plaît à lui rappeler que le Québec est actuellement bénéficiaire d’un versement annuel de 13 milliards de péréquation, bien plus que lorsqu’il a préparé son portrait des finances d’un Québec souverain en 2005.

M. St-Pierre Plamondon évalue la péréquation réelle à autour de 9,6 milliards, puisque le Québec contribue lui-même au programme de péréquation.

« Le chef du Parti québécois vient d’avouer, devant tout le monde, qu’au net, le Québec reçoit 9,6 milliards de plus que ce qu’on envoie à Ottawa », a attaqué M. Legault au Salon bleu cette semaine.

L’analyse du PQ estime en outre à 8 milliards les économies à réaliser en raison de la fin des dédoublements et chevauchements avec le fédéral. Ces économies seraient en fait des compressions, selon le chef caquiste, qui a interpellé M. St-Pierre Plamondon en Chambre.

« Est-ce qu’il pourrait, lundi, dire aux Québécois combien de Québécois perdraient leur emploi avec les compressions de 8 milliards ? » a-t-il demandé.

La réponse viendra lundi.

Déjà, dans une entrevue au Journal de Québec, M. St-Pierre Plamondon a plutôt rétorqué que l’indépendance générera un boom économique au Québec.

C’est ce que pouvait croire M. Legault en 2005, mais pas en 2023.