Paul St-Pierre Plamondon présentera lundi un budget de l’an 1 du Québec souverain dans lequel son parti calcule des économies qui compenseraient la fin de la péréquation

(Québec) De manière « très conservatrice » et en affirmant suivre la même méthodologie que celle utilisée par François Legault en 2005 lorsqu’il était député péquiste, Paul St-Pierre Plamondon avance que l’élimination des chevauchements de ministères et de programmes entre Québec et Ottawa mènerait à des économies qui effaceraient pratiquement à elles seules le manque à gagner creusé par la fin de la péréquation, advenant l’indépendance du Québec.

Après plusieurs mois de reports, le chef du Parti québécois (PQ) présentera lundi une mise à jour du budget de l’an 1 d’un Québec souverain. En entrevue avec La Presse mardi, il a répondu à une critique souvent répétée par ses adversaires, à commencer par le premier ministre caquiste François Legault, qui lui demande d’expliquer comment il équilibrerait les finances du pays du Québec alors que la province obtient près de 13 milliards en péréquation du fédéral.

Dans un premier temps, le chef péquiste évalue que le Québec reçoit au net 9,6 milliards en péréquation du fédéral, en considérant ce qu’il fournit lui-même pour le financement du programme. Dans son budget de l’an 1, M. St-Pierre Plamondon estime que les économies liées à l’indépendance, en prenant en considération la fin de chevauchements de ministères et de programmes, se chiffreraient à 8,7 milliards.

Selon son calcul, qu’il qualifie de « conservateur » parce qu’il fait le portrait des finances d’un Québec souverain qui se gouverne selon les mêmes choix qu’Ottawa, le manque à gagner serait de moins de 1 milliard. Or, ce chiffre n’est pas final, ajoute-t-il, puisqu’il serait comblé par des conséquences positives liées à la fin de la péréquation.

Il y a des dynamiques malsaines dans la péréquation. Au lieu d’encourager tes propres entreprises à exporter, tu es pris avec des activités basées sur les ressources naturelles qui ont lieu ailleurs et qui nuisent à ton économie de toutes sortes de manières.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

« Et pour dire à quel point [notre estimation est prudente], c’est qu’on prend acte du fait que sous Justin Trudeau, la fonction publique fédérale a augmenté de 40 % » sans offrir de meilleurs services aux citoyens, dit le chef péquiste.

Des gains d’efficacité

Dans un chapitre du budget de l’an 1 qu’il déposera lundi, le Parti québécois cible plusieurs ministères où des gains d’efficacité sont possibles, selon lui, une fois les responsabilités fédérales rapatriées au Québec. Il s’agit entre autres des compétences en matière de revenu (avec une déclaration de revenus unique), la fin du dédoublement de programmes fédéraux qui dépensent dans des champs de compétence des provinces, comme en santé, et de l’abolition de la monarchie. Le budget de l’an 1 ne prévoit pas les coûts associés à l’instauration d’un autre poste, comme celui de président, qui pourrait être créé dans une démocratie républicaine.

« C’est un exercice pro forma sur la capacité financière du Québec [de faire l’indépendance], et non pas sur l’opérationnalisation du projet. On essaie juste d’évaluer si le Québec est capable », a résumé Paul St-Pierre Plamondon. Selon lui, la réponse à cette question est oui.

Dans une étude publiée mercredi de façon indépendante du Parti québécois, qui a été rédigée par l’ex-ministre péquiste des finances Nicolas Marceau, l’Institut de recherche sur l’autodétermination des peuples et les indépendances nationales (IRAI) estime que « les gains d’efficacité et la fin des dédoublements et chevauchements permettraient des économies annuelles de 7,5 milliards de dollars ».

« Considérant cela, le manque à gagner découlant de la disparition de la péréquation serait donc réduit à 2 milliards, un montant qui ne représente que 0,4 % du PIB du Québec en 2019 », calcule donc pour sa part l’IRAI.

En 2005, dans son document portant sur les finances d’un Québec souverain, François Legault estimait qu’en « récupérant les impôts versés à Ottawa et en éliminant les chevauchements entre les deux gouvernements, le Québec pourrait non seulement assumer les dépenses du gouvernement fédéral et sa juste part du service de la dette, mais plus encore, dégager une importante marge de manœuvre budgétaire ».

Le premier ministre a depuis rappelé que la situation financière du Québec avait changé, alors que la province reçoit une part croissante de versements liés à la péréquation.

Un référendum dans un premier mandat

Questionné sans détour pour savoir si le Parti québécois évaluait de proposer de former dans un premier temps un « bon gouvernement », plutôt que d’aller de l’avant avec un référendum dans un premier mandat comme il le promet, Paul St-Pierre Plamondon veut que la réponse soit claire : « non ».

Tant qu’à être en politique, on va viser d’en ressortir à une date indéterminée, mais en ayant donné l’heure juste en tout temps, sur tous les sujets, et a fortiori sur le sujet le plus fondamental, celui du destin des Québécois.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

« Ça veut dire qu’on ne cherchera pas à trouver un raccourci vers le pouvoir […] en essayant de cacher une des questions les plus fondamentales de notre époque », répond M. St-Pierre Plamondon.

En point de presse, mardi, il a répondu à toutes les questions concernant le pays du Québec, notamment son souhait qu’il se dote d’une armée, qu’il ait sa propre monnaie et qu’il négocie avec Ottawa la question des frontières.

Le chef péquiste ajoute que les bouleversements mondiaux – la pandémie, les guerres qui éclatent, l’accélération des changements climatiques et autres – justifient plus que jamais que le Québec se pose la question existentielle de son avenir politique.

« On est dans une époque où les tuyaux pètent de partout dans les missions fondamentales de l’État. Pas capables de soigner notre monde, des difficultés à éduquer nos jeunes, des difficultés à protéger la jeunesse et à prendre soin de nos aînés. Dans un environnement mondial beaucoup plus instable, […] décider par soi-même et veiller à ses propres intérêts devient pas mal plus primordial qu’à d’autres époques », dit-il.

D’ici aux prochaines élections générales, en 2026, le Parti québécois publiera en 2024 une réplique à l’Initiative du siècle, qui fait la promotion d’une croissance soutenue de l’immigration au Canada, et lancera en 2025 un « livre bleu » sur l’indépendance et définira ce qui devrait constituer une « citoyenneté québécoise » en 2026, avant la campagne électorale.