« Plus que jamais, Montréal est vu comme une ville de basket. »

Ainsi s’exprimait la mairesse Valérie Plante, en septembre dernier. Le conseil municipal venait d’adopter une « déclaration pour souligner la pratique rayonnante du basketball à Montréal ». C’est factuellement vrai. Montréal compte aujourd’hui deux équipes professionnelles, et jamais les Montréalais n’ont atteint les plus hauts niveaux en si grand nombre.

Maintenant, je vous lance un défi. Promenez-vous dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal et trouvez un terrain extérieur de basketball. Pas juste un panier tout seul, sans ligne ni filet, dans une cour d’école cadenassée les fins de semaine. Un vrai terrain de basket, comme dans Rosemont, dans Côte-des-Neiges ou à Mont-Royal.

Au parc Laurier ? Non.

Au parc Baldwin ? Non.

Au parc La Fontaine ? Non.

Au parc Jeanne-Mance ? Non.

Dans un recoin du Mile End ? Non plus.

La réponse : il n’y en a pas. Pour combien de citoyens ? 105 000 – soit plus qu’à Granby, Drummondville, Saint-Jean ou Brossard. Ce n’est pas normal, déplore Louis-Pierre Poulin, un médecin anesthésiste passionné de basketball qui s’est installé dans le quartier avec sa famille, il y a quelques années.

« On a encore de vieux préjugés sur le basketball, et sur [les gens] que les terrains peuvent attirer, explique-t-il. Pourtant, parmi les meilleurs programmes au Québec, on en trouve à Brébeuf et à André-Grasset, deux collèges privés. En 2023, c’est le temps de changer de mentalité. »

« Je crois au basketball comme outil d’intervention sociale, poursuit-il. Comme élément rassembleur qui sauve des vies, qui crée une communauté, qui aide les jeunes et les moins jeunes à trouver un sens à leur quotidien. C’est plus que du matériel. C’est spirituel. C’est social. C’est un mélange d’émotions, de batailles, de succès, d’échecs, mais qui nous fait avancer collectivement comme société. »

C’est pourquoi, il y a sept ans, il a entrepris des démarches auprès de l’administration du maire de l’époque, Denis Coderre, pour la construction de terrains dans les grands parcs. « Il y a eu des promesses de plateaux au parc La Fontaine », dit-il. Puis le parti de Denis Coderre a été chassé du pouvoir. Celui de Valérie Plante a pris le relais. Nouvelle administration, nouvelles priorités. S’en est suivie la pandémie. Louis-Pierre Poulin sentait que le projet perdait de la traction.

Il a repris le ballon au cours de l’hiver, et recommencé à faire pression auprès des élus, cette fois, pour la construction de deux terrains. Un au parc La Fontaine, l’autre au parc Jeanne-Mance. Plus de 1100 citoyens ont signé sa pétition. Parmi eux, l’animateur Guy A. Lepage, la chanteuse Ariane Moffatt, le fondateur de l’organisme Pour 3 points, Fabrice Vil, ainsi qu’un bouquet d’entraîneurs et de joueurs de différents niveaux. La pétition a été déposée au conseil d’arrondissement au début du mois d’avril.

Bonne nouvelle : les plaques tectoniques bougent.

Depuis le dépôt de la pétition, deux élues de Projet Montréal – le parti au pouvoir – m’ont confirmé que deux projets de terrain sont à l’étude. Elles m’ont même garanti que ces deux nouveaux terrains seront construits d’ici « deux à trois ans ».

Où ?

L’un d’entre eux sera au parc La Fontaine, en plein cœur de l’arrondissement. « Il y aura un nouveau terrain multisport où sera pratiqué le basketball », m’a indiqué la responsable des grands parcs, des sports et des loisirs à la Ville de Montréal, Caroline Bourgeois.

« Ce sera un terrain de basketball en bonne et due forme. On est en train de travailler là-dessus. Il pourra y avoir d’autres sports pratiqués. Des espaces comme ceux-là, dans certains parcs, il n’y en a pas tant que ça. L’idée, c’est de les rendre polyvalents […] Mais l’orientation donnée est très claire, pour qu’il y ait un terrain de basketball. »

Ce terrain sera éclairé. La Ville y tient. « C’est un élément important. Des fois, on a des terrains accessibles, mais sans éclairage. Ces terrains sont utilisés uniquement de jour. Pourtant, on sait que les besoins, le soir, sont importants. »

La construction est prévue « dans deux à trois ans », précise Caroline Bourgeois. « Il y a beaucoup de travaux au parc La Fontaine. On a terminé le Théâtre de Verdure. Là, on termine tout ce qui est autour du pôle aquatique. Par la suite, on pourra commencer [le terrain de basketball]. »

Un deuxième terrain sera construit. Ce ne sera toutefois pas au parc Jeanne-Mance, comme le demandent les pétitionnaires. « Ce parc est au pied du mont Royal, explique Caroline Bourgeois. On veut préserver les espaces verts qui sont là. Des citoyens veulent convertir certains des 12 terrains de tennis. Mais la réfection de ces terrains-là vient tout juste d’être réalisée, en 2019. Ces terrains sont très populaires. Des investissements importants ont été faits. » Comprendre, ici, qu’on ne convertira pas des terrains neufs après seulement quatre ans – et qu’on n’y ajoutera pas de terrain de basketball de sitôt.

L’autre terrain sera plutôt construit à 25 minutes de marche de là, sous le viaduc Van Horne, à la limite nord de l’arrondissement. Mettons que la vue y est moins inspirante qu’au pied de la montagne. Le site est plus difficile d’accès, aussi. Peu de risques que le projet soit victime d’un mouvement « pas dans ma cour », comme je devine que ça pourrait être le cas à Jeanne-Mance. Ce secteur du Mile End est peu habité.

« Les travaux se feront en 2024 », m’a assuré la conseillère d’arrondissement, Maeva Vilain. « On est en train de faire les plans et devis. Après, on lancera l’appel d’offres. Ça fait partie de nos priorités pour 2024. » Ce terrain sera lui aussi éclairé. Le projet est estimé à 1 million, soit deux fois plus qu’au parc La Fontaine. Mme Vilain n’était pas en mesure de m’expliquer pourquoi, ni s’il faut décontaminer le terrain, qui se trouve sur le site de l’ancienne gare du Mile End.

Comme Louis-Pierre Poulin, je crois qu’un terrain à Jeanne-Mance, au cœur de la ville, serait optimal. C’est déjà un pôle sportif, avec des terrains de volleyball, de football/soccer, de tennis et de baseball. Avec de la volonté, il y a de la place en masse pour y installer un terrain de basket, près des terrains de tennis.

Après, il faut reconnaître que deux terrains valent mieux que zéro. C’est une excellente initiative. La Ville doit continuer d’investir dans de nouvelles infrastructures sportives, plutôt que de raser des terrains comme elle l’a fait au parc Jeanne-Mance, où un losange de baseball a récemment été démantelé pour être remplacé par… rien du tout.