Vous songez à utiliser une partie de votre CELI pour acheter les Alouettes ? J’espère que vous avez fait le plein d’actions d’Amazon en 1998, parce que la Ligue canadienne de football (LCF) cherche des investisseurs aux reins solides.

Lors de la dernière vente du club, en 2020, les groupes d’investisseurs devaient démontrer qu’ils possédaient au moins une douzaine de millions de dollars.

C’est votre cas ?

Mes félicitations.

Après, vous vous demandez dans quel état se trouve la franchise ?

Petit tour du propriétaire avec le président par intérim des Alouettes, Mario Cecchini, ramené dans le nid par la LCF pour répondre aux questions des acheteurs potentiels.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le président par intérim des Alouettes, Mario Cecchini

Les profits

Ça fait une dizaine d’années que les Alouettes sont déficitaires. En 2019, les pertes ont été de 9 à 10 millions. En 2021, entre 4 et 5 millions. C’est un pas dans la bonne direction, considérant les pertes de revenus liées à la pandémie. « On a démontré qu’après des années plus difficiles, les finances du club pouvaient s’améliorer », indique Mario Cecchini.

Suffisamment pour espérer faire des profits un jour ?

« Oui. Pas l’année prochaine. Mais à terme, si quelqu’un arrive avec un bon plan, je pense que c’est possible […] Nous ne sommes plus en 2019. La Ligue a maintenant une entente avec Genius pour développer le pari sportif et le marketing numérique. L’expérience à la télévision s’améliorera. Nous aurons plus de statistiques avancées, et de 25 à 30 caméras par stade. La convention collective est signée jusqu’en 2027. Un partage des revenus est en place. Nous avons aussi un contrat de télévision à long terme. »

Le stade

Un gros enjeu. Les Alouettes ne sont pas propriétaires, mais locataires du stade Percival-Molson. Ça vient avec des contraintes. Un exemple parmi tant d’autres : l’Université McGill, propriétaire des lieux, voit peut-être moins d’intérêt à installer un écran géant dernier cri que les Alouettes.

L’équipe est actuellement en train de renégocier son bail. À court terme, son avenir reste au centre-ville. Mais à moyen terme ? Le futur propriétaire aura des options.

« Il existe des alternatives à Montréal, explique Mario Cecchini. Il y a des demandes faites auprès du gouvernement pour rénover le Stade olympique. J’ai eu la chance de voir à quoi pourrait ressembler le Stade après des rénovations. C’est franchement intéressant. Dans quatre, cinq ans, est-ce que les Alouettes pourraient s’installer dans un stade revampé ?

« La majorité des fans adorent le stade Percival-Molson. Quand je me promène dans les gradins et que je parle aux gens, ils me disent : “Ne pensez pas quitter le stade Molson.” Le stade a été construit en 1914. Il est tout à fait charmant. Mais c’est le Wrigley Field de la Ligue canadienne. »

Les actifs

Les Alouettes louent le stade Molson, leur terrain d’entraînement et les bureaux administratifs. Ils ont donc peu d’actifs.

Les propriétaires précédents, Sidney Spiegel et Gary Stern, souhaitaient construire un terrain d’entraînement, et en devenir les propriétaires. « La COVID-19 et le décès de M. Spiegel ont fait déraper le plan », précise Mario Cecchini.

« Je n’ai pas de conseils à donner au futur propriétaire, mais c’est un aspect qui mérite d’être étudié. Le nouvel acheteur aura l’occasion de partir de quelque chose près d’une page blanche.

« C’est certain que c’est toujours préférable d’avoir un propriétaire qui est engagé et qui veut amener son équipe plus loin. En même temps, il existe plusieurs modèles de gestion. M. [Robert] Wetenhall a été ici pendant près de 20 ans. Il a laissé la gestion à des locaux, mais il a lui-même investi dans l’ajout de gradins. »

La commandite locale

En 2020, la Ligue canadienne de football a décidé de vendre les Alouettes à deux investisseurs ontariens, plutôt qu’à des consortiums québécois. Cette décision a froissé beaucoup de gens dans la communauté montréalaise des affaires. Mario Cecchini l’a ressenti sur le terrain.

« Oui, des gens ont été déçus de la façon dont ça s’est passé [en 2019-2020]. Ces gens ne sont pas contre un propriétaire de l’extérieur, mais ils seront plus portés à écouter si le propriétaire est d’ici. Oublie Montréal, un instant. Les huit autres équipes de la ligue ont des propriétaires locaux. Une personne possède des interactions d’affaires dans la ville où elle vit. Ce réseau, il permet d’accélérer les conversations. Il permet d’avoir une antenne différente avec les compagnies [locales]. C’est certain que le potentiel est plus grand [pour un propriétaire local] que pour un actionnaire qui vient de l’extérieur du marché. »

Les abonnés de saison

Au début des années 2000, les Alouettes vendaient 17 000 abonnements par saison. Le club était tellement populaire qu’il a installé des gradins supplémentaires – qui n’ont presque jamais servi lorsque les performances sur le terrain se sont mises à décliner. En 2019, la base d’abonnements avait fondu à 10 000.

Aujourd’hui ?

Mario Cecchini n’est pas autorisé à dévoiler publiquement le chiffre exact. Mais il convient que « la COVID-19 a grugé un peu là-dedans ».

Le risque de défanatisation

Les partisans des Alouettes sont moins bruyants, sur les réseaux sociaux, que ceux du Canadien et du CF Montréal. Les déboires des dernières semaines, par exemple, n’ont suscité aucune vague de mobilisation. Faut-il s’inquiéter de cette indifférence envers l’équipe ?

« Indifférence, c’est un peu fort », tempère Mario Cecchini.

« Sur Twitter et notre site web, les gens ont montré beaucoup d’impatience ces dernières semaines. On voit qu’ils étaient passionnés. Est-ce qu’il reste du travail à faire pour grossir la base de partisans ? Absolument. La bonne nouvelle, c’est qu’en 2021, on était mieux qu’en 2019. Nous étions contents de nos chiffres, car nous venions de traverser une pandémie. Et en 2022, on s’est encore améliorés par rapport à 2019. On affiche une belle progression. Ce sont de bons premiers pas. »

La dépendance à la victoire

Il y a quelques années, les Alouettes ont appelé leurs anciens abonnés afin de savoir pourquoi ils avaient quitté le nid. « Près de 83 % des fans ayant annulé leur abonnement l’ont fait à cause des performances de l’équipe », avait révélé l’ancien président Patrick Boivin.

Les succès des Alouettes aux guichets dépendent-ils des victoires ?

« On a souvent dit ça du marché de Montréal, explique Mario Cecchini. C’est vrai de tous les sports. Il y a quelques mois, j’étais sur un panel avec Geoff Molson [du Canadien] et Gabriel Gervais [du CF Montréal]. Même Geoff disait que le meilleur marketing, c’est la victoire. C’est ça qui crée l’engouement. Si c’est vrai pour le hockey, c’est sûrement vrai pour nous aussi. Après, c’est à nous, année après année, d’améliorer l’ambiance, pour que les gens aient trois, quatre ou cinq raisons de venir au stade. »