En avril 2023, Marc Denis était un homme déçu. Le rapport du Comité québécois sur le développement du hockey, qu’il avait présidé un an plus tôt, semblait prendre la poussière dans le sous-sol d’un bunker du gouvernement. « Ce rapport ne sera pas tabletté », avait promis l’analyste de RDS sur toutes les tribunes.

Douze mois plus tard, comment ça va ?

Mieux. Beaucoup mieux. « Je suis pas mal moins fâché », m’a-t-il confié, lundi. Le gouvernement a entendu son cri du cœur, si bien que l’ancien gardien de la Ligue nationale a retrouvé l’oreille de la ministre Isabelle Charest et de son équipe. « Dans la dernière année, j’ai pu travailler dans l’ombre pour que nos recommandations ne soient pas oubliées. J’ai l’impression que notre rapport fait bouger les choses, alors qu’il y a un an, je ne pouvais pas te regarder dans les yeux et te dire que ça avait bougé. »

Marc Denis se dit « encouragé » par les progrès réalisés dans la dernière année. Non, tout n’est pas parfait. Il y a encore de la résistance au changement, comme l’a prouvé la plus récente crise à Hockey Québec. Il reste du travail à faire. Mais il y en a suffisamment qui a été accompli pour que Marc Denis se qualifie désormais d’« optimiste modéré ».

Voici l’état des lieux sur les neuf recommandations principales du comité.

Hisser le hockey au rang de sport national du Québec

Dans les mois suivant le dépôt du rapport, deux scandales ont entaché le hockey. Celui de Hockey Canada, puis celui des initiations. Les commanditaires ont pris un bras de distance avec le hockey. Le gouvernement, aussi. Maintenant, la fin du purgatoire approche. Québec cherche le meilleur véhicule pour faire reconnaître le hockey comme sport national des Québécois. « C’est mon cheval de bataille, lance Marc Denis. J’ai espoir qu’on y arrivera. »

Prioriser le développement du hockey féminin

La fédération vient de créer un nouveau département de trois personnes pour développer le hockey féminin dans la province. Les inscriptions chez les filles ont augmenté de 12 % en un an, et de 20 % par rapport à la dernière saison prépandémique. Attendez. Ça, ce sont les chiffres AVANT le succès de la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin. Tout pointe vers un autre boom des inscriptions l’automne prochain. Plus il y aura de joueuses, plus il y aura d’équipes. Et plus il y aura d’équipes, plus la distance à parcourir pour trouver des adversaires rétrécira – un irritant majeur qui freine la croissance du sport chez les filles.

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L’équipe montréalaise de la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF) connaît beaucoup de succès.

Accroître le respect et la sécurité au hockey

Le comité recommandait de pénaliser plus sévèrement les bagarres dans le hockey junior. C’est maintenant chose faite. Depuis l’adoption du nouveau règlement, le nombre de combats dans la LHJMQ a chuté de 70 %. Autre mesure, qui sera annoncée cette semaine : Québec aidera financièrement les équipes de la LHJMQ pour l’achat de baies vitrées plus flexibles et de bandes plus sécuritaires. Pour les niveaux inférieurs, Hockey Québec a nommé cet hiver un directeur de la sécurité des joueurs, Stéphane Auger. L’ex-arbitre succédera bientôt à Jocelyn Thibault à la tête de la fédération. On peut présumer que la santé des hockeyeurs restera une de ses priorités.

Doter le Québec des infrastructures appropriées

La pénurie de glaces est un problème important. C’est particulièrement frappant sur l’île de Montréal, où aucun nouvel aréna public n’a été construit depuis 20 ans. Le gouvernement vient d’investir 211 millions pour la construction et la rénovation de plus de 200 patinoires, tant intérieures qu’extérieures. « C’est trop peu, estime Marc Denis. Mais au moins, il y a des investissements. Avant, il n’y en avait presque pas. » En parallèle, Québec a annoncé l’été dernier une enveloppe supplémentaire de 300 millions pour la construction et la réfection de plateaux sportifs en tous genres. Quelques villes pourraient en profiter pour bonifier leur offre de patinoires. Il est anormal qu’une ville comme Sainte-Thérèse, 25 000 habitants, n’ait pas d’aréna.

Conférer à Hockey Québec le pouvoir de gouverner

Ici, les voyants sont au rouge. Comme l’a exprimé Jocelyn Thibault en février : « Tu as l’impression d’être dans une chaloupe pas de rames, dans une mer agitée. » Des associations régionales tirent la couverte de leur bord. Des ligues d’été gèrent leurs affaires de leur côté. Un gros chantier.

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Jocelyn Thibault, directeur général de Hockey Québec

Inclure l’apprentissage du patin dans le programme scolaire du primaire

C’est sur la glace. « Dans un monde idéal, ça se fait, explique Marc Denis. En Australie, tous les jeunes nagent. En Norvège, tous les jeunes font du ski de fond. Mais je comprends la complexité de réaliser quelque chose comme ça. Je ne veux pas faire de la politique, ce n’est pas mon domaine. Mais quand on voit à quel point c’est difficile dans le milieu de l’enseignement… C’est une autre machine qu’il faut impliquer. » Il reste convaincu que ce serait « un enseignement incroyable » pour les enfants. « Pas juste pour le hockey. Pour tous les sports de patin. »

Rendre le hockey accessible pour tous

L’équipement coûte cher. L’inscription coûte cher. Les tournois coûtent cher. Pas juste ici. Partout. Comment réduire la facture des parents ? Québec a récemment investi 41 millions pour la création de centrales de prêt d’équipement, dans lesquelles les jeunes peuvent avoir accès gratuitement à des patins, par exemple. C’est un pas dans la bonne direction. Hockey Québec et le gouvernement se sont aussi associés pour acquérir 150 luges de parahockey. « Un investissement sans égal dans le hockey adapté », note Marc Denis.

Jocelyn Thibault, lui, m’a souligné la création récente d’un poste de coordonnatrice à l’équité, à la diversité et à l’inclusion chez Hockey Québec. Il est aussi fier de l’abolition des frais de certification pour les arbitres – « une mesure qui a donné de bons résultats ». Car il faut le rappeler : pas d’officiels, pas de parties.

Prioriser le plaisir du jeu

« La première journée que je suis arrivé en poste, raconte Jocelyn Thibault, j’ai dit qu’il fallait ramener le plaisir dans le sport. Mais comment mesure-t-on ça, le plaisir de jouer ? C’est hyper subjectif. » La fédération a lancé plusieurs campagnes de sensibilisation, notamment à l’intention des parents.

Au moins, les gens en parlent. Ils sont plus conscients de cet enjeu. Il y a des efforts. On essaie de trouver des façons de mesurer cela.

Jocelyn Thibault

Quelque part, quelque chose fonctionne. « Après une décennie d’inscriptions en baisse, ça fait trois ans de suite qu’on constate une hausse », se réjouit Jocelyn Thibault. Hockey Québec a par ailleurs écouté le comité et aboli les statistiques individuelles dans la catégorie d’élite M13AAA Relève, pour mettre l’accent sur l’apprentissage et le divertissement. Sage décision pour calmer les attentes des parents les plus crinqués.

Optimiser le développement de nos athlètes

Un gros morceau pour le dessert. Comment améliorer la qualité des joueurs d’ici ? Plusieurs mesures sont évoquées dans le rapport du comité. Parmi elles, la création d’une ligue universitaire québécoise de première division.

Le Réseau du sport étudiant du Québec (RSEQ) a été mandaté pour faire du démarchage auprès des universités. « Ça avance », confirme Jocelyn Thibault. « J’y crois, ajoute Marc Denis. C’est primordial. La LHJMQ donne des bourses incroyables à des cerveaux et des talents d’ici pour que ces jeunes aillent étudier ailleurs. Il y a un seul programme francophone au Québec, celui de l’UQTR [Université du Québec à Trois-Rivières]. […] C’est une absurdité. On reconnaît l’autonomie des établissements d’enseignement, mais les universités doivent percevoir cela comme un investissement, avec un pouvoir d’attraction. »

Une recommandation qui pourrait bientôt devenir une réalité : l’embauche par Hockey Québec de quatre conseillers techniques qui se consacreraient à temps plein au sport, plutôt qu’à l’administration. Le financement n’est pas bouclé, mais c’est dans l’air, s’emballent mes sources dans les arénas de la province.

Enfin, l’idée d’un programme national de développement pour les adolescents fait l’objet de pourparlers entre la LHJMQ, la Ligue Junior AAA, la Ligue M18AAA, le RSEQ et Hockey Québec. « Il faut trouver le meilleur véhicule pour un développement suivi, explique Jocelyn Thibault. On ne veut pas perdre de joueurs de 17 ans [parce qu’ils ne sont pas dans le junior majeur]. On s’entend tous là-dessus. Il y a un désir fort de régler ça. »

Autant de projets qui suscitent l’espoir de jours meilleurs pour le hockey québécois.