« Je veux avoir un impact global sur le développement de ce sport-là, qui est une passion, voire une obsession ! »

Quand Stéphanie Poirier s’assoira à son bureau de nouvelle directrice hockey féminin et développement de Hockey Québec, le 6 mai, elle aura devant elle une « page blanche ».

C’est la première fois que la fédération provinciale met sur pied un tel service. Celui-ci vise à « contribuer à l’avancement et à la croissance du hockey féminin », comme l’a récemment dit le directeur exécutif aux opérations hockey, Stéphane Auger, par voie de communiqué.

Seul un énorme défi pouvait faire en sorte que Stéphanie Poirier quitte un jour son poste de directrice du Centre 21.02. Ce poste, c’est exactement ça : un énorme défi qui l’emballe au plus haut point.

On doit saisir cette opportunité d’avoir un département de hockey féminin pour être capables de prendre la bonne tangente collective.

Stéphanie Poirier, directrice hockey féminin et développement de Hockey Québec

« Il y a tellement de choses qu’on peut faire. […] La majorité des gens sont là pour les bonnes raisons, donc il faut les aider, mais il faut leur faire comprendre aussi qu’on joue pour un grand club. Tout le monde doit pousser dans la même direction, ou sensiblement, en comprenant la réalité régionale. »

Quand il est question de hockey féminin, Poirier en a long à dire. Sa passion est contagieuse.

Il faut dire que la native de Lorraine baigne dans le milieu depuis l’adolescence. D’abord une patineuse artistique, elle a fait le saut au hockey vers l’âge de 10 ans. À 13 ans, elle est passée du hockey mixte au hockey féminin. Elle a notamment fait partie d’Équipe Québec aux Championnats canadiens de 2001, à Trois-Rivières.

À 20 ans, Poirier est devenue entraîneuse pour l’école de hockey du cégep de Saint-Jérôme, puis entraîneuse-adjointe de l’équipe féminine des Cheminots. Elle a ensuite fait le saut dans l’arbitrage pendant huit ans.

En 2011, après ses études en kinésiologie, elle est tombée sur un poste d’entraîneuse-chef dans le pee-wee AA, à Laval, en hockey masculin.

« J’ai eu l’entrevue et ils m’ont engagée, relate-t-elle. […] Ils m’ont raconté l’anecdote par après, mais ils n’avaient pas réalisé que c’était Stéphanie quand ils ont reçu mon CV. Ils ont lu vite et ils ont lu Stéphane, ce qui arrive régulièrement d’ailleurs. »

Au fil des années, la sympathique femme a enchaîné les expériences. Elle a été entraîneuse-chef d’Équipe Québec des moins de 16 ans, puis entraîneuse-adjointe d’Équipe Québec des moins de 18 ans. En 2015, elle est devenue entraîneuse vidéo pour les Carabins de l’UdeM, avant d’accepter le poste d’entraîneuse-adjointe en 2017. À travers tout ça, elle est devenue formatrice d’entraîneurs pour Hockey Québec et Hockey Canada.

En 2019, elle s’est jointe au Centre 21.02, lancé par Danièle Sauvageau. C’est en 2023 qu’elle en est devenue la directrice à temps plein.

Ce qui nous amène à aujourd’hui.

« Ç’a été difficile [de quitter le Centre 21.02] parce qu’on avait tellement de beaux projets sur lesquels je me penchais, dit-elle. Mon cerveau était en ébullition. »

La suite de notre conversation nous convainc assez rapidement que cette ébullition devrait se prolonger dans les bureaux de Hockey Québec…

Une ligne directrice

« Il y a beaucoup de questions à se poser », répétera la nouvelle directrice hockey féminin à plusieurs reprises pendant notre entretien.

À son entrée en poste, Poirier entend, avant toute chose, « prendre conscience » de ce qui se passe dans le hockey féminin partout au Québec, d’une région à l’autre. Parce qu’il y a une différence entre connaître le hockey féminin et connaître la réalité de la structure de la Côte-Nord, note-t-elle.

Une fois cette tâche menée, elle se penchera sur son grand objectif : celui d’établir une direction claire pour le hockey féminin au Québec. Une ligne directrice.

« Je veux une image, un schéma concret de qui passe par où. Comment on fait pour que ça ait un sens ? »

Tout le monde a de bonnes idées, tout le monde a envie de faire un projet. C’est cool, parce que les gens sont investis, mais en même temps, ça fait en sorte que tout le monde joue un peu pour sa cour.

Stéphanie Poirier

« Tout le monde a des bonnes idées, mais se cannibalise au hockey féminin. Tu te dis : j’ai eu du financement, je lance un programme. Mais tu t’en vas voler la moitié du programme de l’autre. Ça, c’est un problème et ç’en a toujours été un. »

Les questions

Selon les chiffres de Hockey Québec, le nombre de joueuses de hockey dans la province en 2023-2024 était de 8145. En 2022-2023, ce nombre s’élevait à 7654, soit 1400 de plus qu’en 2021-2022. C’était la première fois, en 20 ans, qu’on en dénombrait plus de 7000, nous fait remarquer Stéphanie Poirier.

Mais le nombre demeure mince.

« En Colombie-Britannique, ils sont 5 millions d’habitants. Nous, on est plus de 8 millions. Leur ratio de joueuses est le double du nôtre. »

On le disait : les questions à se poser sont nombreuses. Parmi celles-ci : « Qu’est-ce qui attire les filles vers le hockey ? »

« On sait déjà que ce qui attire les filles vers le sport en général, c’est l’affiliation sociale », explique-t-elle.

« Il faut avoir un encadrement qui fait que les jeunes restent et que les parents se sentent à l’aise. On est en 2024, et il y a encore, malgré tout, des mentalités qui veulent que les petits gars jouent au hockey et les petites filles à la ringuette. »

La création de la LPHF et tout l’engouement qui entoure l’équipe de Montréal menée par une certaine Marie-Philip Poulin devraient permettre une croissance plus rapide du nombre de joueuses, croit-elle. Mais à partir du moment où « elles entrent dans nos arénas, il faut les garder, les encadrer », insiste-t-elle.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

L’engouement qui entoure l’équipe de Montréal de la LPHF devrait permettre une croissance plus rapide du nombre de joueuses.

« Quand on parle de développement, on ne parle pas juste de l’élite. C’est de faire passer les filles d’une étape à l’autre. En général, les filles, vers l’âge du bantam, arrêtent de faire du sport, qu’importe le sport. La chute est drastique. Comment on fait pour les garder intéressées au hockey ? Là, on ne parle pas de les faire jouer dans l’équipe nationale ou dans la LPHF. On parle juste de les garder actives, de faire des études en faisant du sport. »

« Oui, la publicité, c’est important, mais ça prend plus que ça. Quand les petites filles vont à l’aréna, ont-elles du fun ? »

Il faut que les jeunes filles aient ce sentiment de compétence, que ce ne sont pas leurs chromosomes qui vont décider des opportunités qu’elles auront dans leur vie. Tu peux être une fille féminine et pratiquer un sport qui est très physique. Tu as ta place. Tu peux arriver à l’aréna et vouloir te dépenser autant qu’un gars.

Stéphanie Poirier

Concernant le développement élite, Poirier note que les équipes du Québec éprouvent beaucoup de difficulté, par exemple, à la Coupe Esso, le championnat national M18 AAA féminin.

« Est-ce que c’est parce qu’on en échappe ? On sait que notre nombre, par rapport à notre potentiel, est en deçà de ce qu’il devrait être. »

« Oui, on veut de l’élite, mais pour avoir de l’élite, il faut une pas pire base. On a déjà beaucoup d’élite malgré le fait qu’on a une base loin d’être la plus solide au pays », évoque-t-elle en rappelant que les meilleures joueuses de l’équipe nationale, dans les 20 dernières années, sont pratiquement toutes québécoises.

Imaginez avec une structure revue et améliorée.