Ce Super Bowl m’a rappelé la série Lost.

Un excellent suspense, gâché par une fin décevante.

Avec trois minutes à jouer, c’était l’égalité, 35-35. Le meilleur joueur de la NFL, Patrick Mahomes, était aux commandes d’une remontée grandiose. Épique. Historique, même. Une seule équipe avait auparavant surmonté un déficit de 10 points à la mi-temps d’un Super Bowl. Et Mahomes était en train d’accomplir l’exploit sur une cheville aussi solide que la poignée de main de la première ministre de l’Alberta à Justin Trudeau.

Les pourchasseurs des Eagles ont mis de la pression. Mahomes est sorti de la poche de protection, et s’est retrouvé devant un terrain grand ouvert. Que faire, avec une cheville maganée ? Il a foncé. Cinq verges. Dix verges. Vingt verges. À la 26e verge, il s’est laissé tomber. On a tous retenu notre souffle. Est-il correct ? Mahomes semblait lui-même surpris de son initiative. Il s’est relevé, il a grimacé légèrement, puis il a repris son poste, à seulement 17 verges des buts.

Les Chiefs se trouvaient en excellente position. Mais deux jeux plus tard, ils étaient presque au même point. Seulement deux verges plus près de l’objectif. Gros 3e essai et 8. Mahomes a visé son receveur JuJu Smith-Schuster. Trop haut. Trop loin. Les Chiefs allaient devoir tenter un placement, avec presque deux minutes à jouer. Pas l’idéal.

Oh. Attendez. Qu’est-ce qui traîne au sol ? Un gant ? Un soulier ? Un protecteur buccal ?

Non. Un mouchoir. Pénalité.

Contre qui ? Pourquoi ?

Contre James Bradberry, des Eagles. Pour avoir retenu Smith-Schuster. À la reprise, on voit bel et bien Bradberry toucher le dos de son adversaire. Pas violemment. Tout doucement. Comme lorsque je prends une photo de famille avec mon père ou ma mère. Le type de geste que les arbitres tolèrent en séries.

Jamais, d’ailleurs, je n’aurais appelé cette faute dans les derniers instants d’un Super Bowl. Mais les officiels en ont décidé autrement.

« C’était un cas net de saisie de chandail ayant nui au [receveur]. Il n’y a pas eu de débat », a déclaré l’arbitre en chef, Carl Cheffers. Bradberry a reconnu avoir retenu le chandail de Smith-Schuster. « J’espérais qu’ils laissent passer le geste », a-t-il indiqué.

La conséquence fut un premier essai aux Chiefs. Ces derniers se sont approchés à une verge des buts, puis ils ont laissé le temps s’écouler, jusqu’à un placement facile, avec quelques secondes à jouer. Les Eagles n’ont pas eu le temps d’effectuer une remontée.

Une fin controversée, frustrante, qui fait un peu d’ombre à la remontée spectaculaire des Chiefs. C’est dommage. Car même sans la pénalité, les Chiefs étaient en position de réussir un placement, et de gagner la partie.

Ce titre, ils le méritent amplement.

Le Canadien et la loterie

Plus près de chez nous, le Canadien a remporté deux belles victoires, ce week-end, au Centre Bell. Les joueurs étaient contents. Martin St-Louis était satisfait. Les partisans, aussi.

Ou plutôt, « des » partisans étaient satisfaits. Car il y a d’autres fans, de plus en plus lourds, qui grognassent après chaque but du Tricolore. Leur argument ? Le même que l’hiver dernier. Lorsque le Canadien gagne, il réduit ses chances de gagner la loterie du repêchage. Donc, cette fois-ci, de repêcher Connor Bedard.

C’est un fait. Mais après, qu’attendez-vous exactement des joueurs ?

Qu’Alex Belzile rate volontairement son premier but en carrière pour faire plaisir à habs3456 ? Que Rafaël Harvey-Pinard cesse de se donner à fond devant parents et amis ? Que Samuel Montembeault couvre mal ses angles, afin que le Tricolore augmente de 1 % ses chances de remporter la loterie ?

Voyons donc. Les joueurs ne lèveront pas le pied. Sept joueurs de la formation actuelle devront négocier un nouveau contrat l’été prochain. Ils doivent produire. Maintenant. Les vétérans qui souhaitent être échangés à un club de tête ? Eux aussi doivent se distinguer maintenant. Sans compter les joueurs qui, comme Samuel Montembeault, tentent d’améliorer leur sort au sein de l’organisation.

La direction, elle, pourrait-elle affaiblir la formation pour augmenter ses chances de repêcher Connor Bedard ?

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Connor Bedard

Théoriquement, oui. Mais je rappelle que Tyler Toffoli, Artturi Lehkonen, Ben Chiarot et Brett Kulak sont partis. Shea Weber ne joue plus. Carey Price non plus. Le club a commencé la saison avec deux gardiens numéro deux, quatre défenseurs recrues, et il est présentement privé de Cole Caufield, Kaiden Guhle, Juraj Slafkovsky, Brendan Gallagher et Jake Evans.

C’est pas mal la définition d’un club affaibli…

Pour que le Canadien ait une chance de repêcher Connor Bedard, il devra terminer 31e (13,5 %) ou 32e (25,5 %). Ça n’arrivera pas. Pour toucher le fond, les Blackhawks de Chicago ont échangé Alex DeBrincat (41 buts l’an dernier) et Kirby Dach (3e choix au total en 2019) contre des choix. Auriez-vous accepté que le Canadien échange Cole Caufield et Nick Suzuki afin d’avoir une chance sur quatre, ou sur huit, de repêcher Bedard ?

Le Canadien n’a pas choisi cette voie. Le voici donc dans un peloton de clubs qui ont entre 5 % et 8,5 % de chances de repêcher au premier rang. Rendu là, que le Tricolore gagne ou perde, l’aiguille bougera peu.

Alors si vous êtes un de ces partisans du CH qui se réjouit après chaque défaite, sachez que vous pouvez tout autant apprécier chaque victoire – sans culpabilité.