Je ne m’attendais pas du tout à recevoir autant de courriels après avoir écrit cette chronique sur mes angoisses et mes espoirs concernant la vieille maison de mes beaux-parents dont mon chum a hérité, que j’appelle « la maison Usher ».

Des remerciements pour le partage, des souhaits de bonheur et des conseils. Beaucoup de conseils, tous judicieux. Par exemple à propos des calorifères à eau chaude qui me faisaient peur, et qu’il faut faire « pisser » ou « saigner », selon vous. Je vais devoir demander comment faire, car ce vocabulaire nouveau pour moi me fait craindre de salir les planchers.

« Sachez qu’on est toujours le niaiseux de quelqu’un d’autre », m’a écrit Julie, pour m’encourager. « N’établissez que les trucs essentiels. Vos beaux-parents y vivaient heureux et vous transmettent ce joyau avec le bonheur qui doit se sentir. Profitez-en comme ils l’auraient fait encore des années s’ils étaient de ce monde. J’ai un faible pour les vieilles choses qui ont du vécu. »

Je ne me doutais pas non plus à quel point vous aimiez les vieilles maisons. Quand vous en parlez, c’est avec beaucoup de chaleur, et même de la poésie, voire un peu d’ésotérisme.

Comme Sylvain. « Il ne faut pas vous inquiéter, cette maison prendra soin de vous comme vous prendrez soin d’elle. Elle vous dira bien vite ce dont elle a besoin pour être heureuse, mais selon ma propre expérience, elle n’a besoin que d’habitants heureux pour être heureuse, d’habitants authentiques et vrais pour être authentique et vraie, d’habitants chaleureux pour être chaleureuse ! Une maison, ce n’est pas un objet, une chose : c’est vivant, et ça transmet la vie ! Ça prend soin de la vie ! Ça fait partie du flow énergétique de la Vie ! »

De la poésie, je vous jure. Je sens qu’une lectrice, Micheline, est comme beaucoup d’entre vous « habitée » par sa vieille demeure. « Cette ‟maison Usher”, elle est tapissée d’amour, ses murs résonnent de fous rires, écrit-elle. Si vous regardez bien, vous trouverez des rêves inscrits aux plafonds et peut-être un ou deux chagrins qui se sont cachés sous les plinthes. Mais aucune maison neuve, condo ou château, ne vous offrira un nid plus confortable ou plus chaleureux ! »

Ça donne l’impression non seulement d’entrer dans une maison, mais en religion, et j’ai beaucoup souri en lisant votre enthousiasme.

J’ai rêvé toute ma vie d’un condo plutôt que d’une inquiétante maison centenaire, et perdu des heures et des heures à regarder en vain des photos sur le site de Centris. Plusieurs d’entre vous ont pété ma baloune, notamment Chloé, charpentière-menuisière de son métier. « Je suis bien placée pour voir avec quel genre de qualité on construit aujourd’hui. On construit avec ce qui a de plus cheap, les matériaux nobles laissent place aux faux-semblants et aux moulures en carton. J’ai vu des horreurs pas possibles sur la vaste majorité des chantiers sur lesquels j’ai travaillé. N’achetez jamais de condo, c’est un conseil que je vous donne. »

Une chose revient souvent : les vieilles maisons ont « une âme », vous en êtes persuadés. Une histoire. « Elles nous la content de temps en temps, confie Robert, qui a repris la maison de son père datant de 1912. Doucement, on a fait le tour des problèmes et il en reste, mais 30 ans plus tard, nous n’avons aucun regret. »

« Si elle y est depuis 100 ans, c’est qu’elle y sera encore dans 100 ans, affirme Claude. N’intervenez que si quelque chose est un problème pour vous, et pas pour les autres. »

Concernant les tuyaux d’époque en cuivre, par exemple, Julie rappelle que ça vaut son pesant d’or. « Un plombier peut vous suggérer de la changer et vous ne pouvez pas vous imaginer le prix qu’il obtiendra pour la revente de ‟votre plomberie”. »

« Surtout, SURTOUT, évitez les ‟rénoveux”, vedettes ou non, qui planteraient leurs marteaux et leurs caméras pour tout refaire style RONA ou IKEA », insiste Thérèse, qui adore sa vieille maison imparfaite de Saint-Jean-sur-Richelieu. Je vous promets, Thérèse, qu’il n’y en a pas un qui va rentrer chez nous. Je déteste les caméras.

« Ne touchez jamais aux tuyaux ni aux fils électriques pour la mettre à niveau, recommande André. Votre maison est comme une vieille personne, il ne faut pas essayer de changer sa constitution ou remplacer une hanche usée. »

« Je n’y connaissais rien et maintenant, j’en suis à ma troisième maison, m’écrit Huguette. On apprend au jour le jour et surtout : écoutez et croyez ceux qui s’y connaissent. »

Sincèrement, un grand merci pour tous vos messages qui m’ont galvanisée. Je n’ai pas pu répondre à tout le monde, mais je les ai tous lus (en prenant des notes). J’en avais besoin, car j’ai beaucoup de peine de quitter un appartement que j’adore, qui a été mon refuge pendant la pandémie, et surtout mon quartier chéri, où je vis depuis toujours. En lisant vos courriels à mon chum, exaspéré par mes inquiétudes, il m’a dit : « Tu vois ? TU VOIS ? »

Je vous crois et je vais vous écouter, comme le suggère Huguette.

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