Est-ce cliché de commencer une chronique par « C’est l’histoire de… » ? Parce que j’ai très envie d’amorcer celle-ci en écrivant : « C’est l’histoire de deux très bonnes idées nées grâce à Montréal et ses gens. »

Pourtant, les personnes qui les ont mises en œuvre viennent d’ailleurs. Alexandre Morin, architecte de formation de 29 ans, a grandi à Saint-Georges, en Beauce. Barrett Hedges, urbaniste de 34 ans, est originaire de l’Oklahoma. Tous deux chérissent aujourd’hui la métropole, qu’ils considèrent comme leur maison.

« Il y a plein d’endroits où c’est agréable de vivre à Montréal, résume Alexandre Morin. Si tu es tanné de ton quotidien, tu changes de quartier et ton style de vie se transforme ! Il y a ici une liberté créative que peu de villes ont… D’ailleurs, on considère que nos projets sont nés en se promenant dans les rues de Montréal. »

Quand la pandémie a entraîné une multiplication des terrasses, Barrett Hedges a vite constaté que celles-ci finissaient souvent en piètre état. « À cause de ma formation, j’ai tendance à être assez critique de l’aménagement urbain… Et les terrasses sont une pièce privée de l’environnement public. J’étais déçu que plusieurs soient remplies de plantes mortes. C’était crève-cœur ! »

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Alexandre Morin, architecte de formation, et Barrett Hedges, urbaniste, ont fondé Le peacock, jardinage en pots, en 2022.

En mai 2022, Barrett et Alexandre ont donc fondé Le peacock, jardinage en pots. Depuis, ils proposent un service clés en main d’aménagement de plantes extérieures pour les terrasses de restaurants, bars et autres commerces. Ils font tout : conception, installation, entretien, démontage et même arrosage. L’été dernier, c’est Barrett qui s’occupait de la chose en traînant 200 lb d’eau sur un vélo-cargo du Vieux-Port à Villeray en passant par Outremont et le Village.

Je me permets une parenthèse. Comme vous, je me suis demandé : pourquoi « peacock » et non pas paon ? Parce que Barrett, américain anglophone, a souvent été qualifié de ce surnom en tant qu’homme fier et affirmé. Aussi parce qu’il s’agit d’une référence directe à Dolly Parton, qui aurait dit : « A peacock that sits on his feathers is just another turkey » (Traduction libre : Un paon qui s’assoit sur ses plumes n’est qu’une autre dinde.)

En somme : « Pourquoi être une dinde quand tu peux être un fabulous peacock ? », m’a demandé Barrett, de son impressionnant français ponctué de quelques mots anglais qui lui viennent plus rapidement.

Revenons aux terrasses, maintenant : l’aménagement proposé par le duo est propre à chaque établissement et découle de son identité, m’a expliqué Alexandre Morin.

Quand tu manges à l’intérieur d’un restaurant, tu paies pour l’expérience complète, qui inclut l’ambiance. Par contre, l’expérience est souvent moins là à l’extérieur. Le concept du restaurant ne se sent pas sur la terrasse et nous, on essaie de l’y emmener.

Alexandre Morin

L’été dernier, les entrepreneurs ont veillé sur 32 terrasses. Cette année, ils en chapeauteront plus d’une quarantaine, mais ils auront cette fois droit à une équipe et… à un club de plantes.

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L’engouement créé a été tel que le duo vient de lancer Le peacock, club de plantes et d’ouvrir une boutique en bonne et due forme.

Initialement, le plan du duo était de vendre au grand public les plantes utilisées sur les terrasses à la fin de chaque saison estivale. C’est qu’il n’emploie aucune plante annuelle, contrairement à plusieurs jardiniers. D’une part, parce qu’il se questionne sur la pertinence de faire pousser une plante qui ne vivra que quelques mois et, d’autre part, parce qu’on comprend mal la durée de vie de bien des végétaux…

« Plusieurs plantes qu’on croit annuelles ne le sont pas, m’a appris Barrett. Elles sont juste un peu plus difficiles à entretenir l’hiver ou moins flamboyantes, comme les géraniums, les coléus, les bégonias ou les fuchsias. »

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Les entrepreneurs ont trouvé un local sur l’avenue du Parc, en octobre dernier.

Les entrepreneurs ont donc trouvé un local sur l’avenue du Parc, en octobre dernier, et s’y sont posés pendant un mois avec quelque 3000 plantes prêtes à passer l’hiver dans une maison. Toutes ont trouvé preneurs.

« On n’a aucune expérience en vente, mais on a rencontré tellement de personnes amoureuses des plantes que ça nous a donné le goût d’ouvrir un club, m’a expliqué Alexandre Morin. On a voulu créer un environnement pour tous ceux qui ont ce point en commun, un lieu pour continuer à avoir ce contact avec les gens du quartier. »

Ainsi naissait Le peacock : club de plantes.

J’ai visité la boutique à deux semaines de son ouverture, fin avril. Elle était déjà magnifique. Depuis le début du mois de mai, on y vend des bacs de végétaux pour balcons, des pots, des plantes de toutes sortes, des engrais et pesticides naturels, des terreaux et des livres. On y offrira aussi bientôt des diagnostics pour plantes malades, des ateliers et un espace extérieur pour socialiser. Puis, à l’automne, on y vendra au rabais les plantes utilisées sur les terrasses de commerces au cours de l’été.

Si elles sont parfois un peu plus exigeantes, le duo est sûr que plusieurs sauront parfaitement s’en occuper : « Il y a tellement de gens qui savent comment prendre soin de leurs plantes, depuis la pandémie ! », résume Alexandre Morin.

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Les plantes, une passion pour plusieurs !

Comment ça se fait, donc ?

Barrett me répond avoir lu un article publié dans un média américain, au sujet des millénariaux et de leur passion pour les plantes d’intérieur. Parmi les théories citées : 1) on fait des enfants plus tard, mais on souhaite tout de même avoir un peu de responsabilités ; 2) les plantes font de belles photos à publier sur Instagram…

Mais pour moi, comme pour plusieurs, c’est plus profond. C’est prendre soin de quelque chose et s’en préoccuper pour vrai. Je veux que mes plantes poussent et qu’elles soient bien.

Barrett Hedges

J’ai bien hâte de voir quelle communauté il arrivera maintenant à faire pousser autour de cette passion…

(Une chronique qui commençait par « C’est l’histoire de… » ne pouvait se terminer qu’avec un jeu de mots. Je m’excuse, mais je devais être cohérente avec mes choix.)

Consultez la page Instagram du Peacock