Nous avons demandé aux infirmières les raisons qui les ont incitées à rejeter une entente de principe avec le gouvernement sur leurs conditions de travail. Voici quelques-unes de leurs réponses.

Pour l’avenir des soins

J’ai voté contre cette convention, car j’ai peur pour l’avenir des soins. La demande du gouvernement d’être plus flexible, d’accepter d’aller travailler dans n’importe quel milieu (qui, disons-le, peut être à plus de 35 km de chez soi) est une entrave au développement de l’expertise d’une infirmière, d’un sentiment d’appartenance à une équipe et, surtout, à la qualité des soins que la population va recevoir. Nous ne sommes pas des pions interchangeables comme si nous travaillions dans une usine. Nous travaillons avec des humains, et le manque de connaissances et d’expérience peut avoir des impacts majeurs. Ce n’est pas avec quelques jours de formation et en travaillant un mois dans un département que nous allons être à l’aise et confiantes dans les soins que nous donnons. Est-ce que la population veut réellement se faire soigner par une infirmière qui ne sait pas ce qu’elle fait ? C’est quand même votre santé et votre vie qui sont en jeu !

Stéphanie Robitaille, Montréal

Je ne veux pas être déplacée

J’aurais pu voter oui. Oui, parce que l’augmentation de salaire me convenait. Oui, parce que les primes étaient avantageuses, car je travaille dans un environnement 24/7. Oui, parce que je suis tannée de faire la grève. Oui, parce que je suis à l’aube de ma retraite. Oui, pour d’autres avantages. Toutefois, j’ai voté non. Non, parce que j’ai choisi un poste à tel département, sur le quart de travail que je veux. Même si mon expérience est bonne pour le village de Saint-Clinclin-des-Meumeux, je ne veux pas être déplacée. Non, parce qu’on offre de l’ancienneté aux infirmières d’agences si elles reviennent au public, alors que moi, avec un écart d’un an et demi, entre deux établissements au public, je ne peux reprendre mes 17 ans d’ancienneté d’auparavant. Non, parce que les temps partiels sont désavantagés comparativement aux temps complets. Mais de prime abord, j’ai voté « non » en soutien à mes collègues de travail.

Melanie Bergeron, Longueuil

Les dés sont lancés

Je suis infirmière et j’ai voté oui pour la vraie et simple raison que l’employeur utilise déjà la flexibilité, qui est soi-disant dans notre convention depuis des années, mais est utilisée seulement en dernier recours après que les autres options ont été étudiées. Il l’a simplement peaufinée et adaptée à la situation. Les travaux iront dans ce sens, peu importe les votes. Le gouvernement est démuni, mal préparé et conséquent de sa mauvaise gestion. C’était inévitable et trop prévisible. Alors, pourquoi étirer la sauce et continuer à croire que tout peut tourner de bord ? Les dés sont lancés depuis déjà une quinzaine d’années. Donc mettons nos énergies sur l’avenir de notre collaboration. Je vote oui.

Annie Bernard, Drummondville

Des conditions qui se détériorent

Je suis infirmière clinicienne depuis plus de 31 ans, j’ai voté contre l’entente de principe car nos conditions de travail se détériorent au lieu de s’améliorer. Le gouvernement a tenté de nous faire accepter la mobilité, c’est-à-dire qu’il pourrait à tout moment nous envoyer travailler à 25 ou 35 km de notre lieu de travail, selon notre région, contre notre gré. C’est inacceptable et cela va à l’encontre de la conciliation travail-famille. Connaissez-vous des professions où l’on ballotte les professionnels comme des marionnettes ? Moi, je n’en connais pas ! Au niveau salarial, les chiffres sont trompeurs. C’est 17,4 % moins la prime de reconnaissance de 3,5 % que le gouvernement nous enlève. Les mêmes qui se sont voté des augmentations de 30 % ! Et aussi offrir des primes exclusivement aux infirmières à temps complet et enlever ou diminuer les primes à celles à temps partiel, c’est inéquitable. J’espère avoir pu vous éclairer sur les motifs du rejet de l’entente par la vaste majorité des infirmières de la région montréalaise.

Marylène Beccherini, Lachine

Volontariat forcé

Je suis syndiqué avec la FIQ au Nunavik. J’ai voté contre la proposition d’entente malgré le peu d’effets négatifs applicables à la réalité là-bas comparativement à ceux affectant mes collègues du « Sud ». Je suis absolument dégoûté qu’on essaie de contraindre les infirmières malgré qu’on sache pertinemment qu’on nuit à la qualité des soins en s’attendant des infirmières qu’elles soient polyvalentes à un niveau qui n’a aucun sens. La tendance actuelle est à la spécialisation dans ce domaine scientifique de pointe. S’attendre des infirmières qu’elles soient « capables » partout, mais excellentes nulle part est dangereux, et la population ne semble pas comprendre cette subtilité directement reliée à la complexité croissante des soins de santé. Ça et le fait que le gouvernement MENT sur le côté volontaire de ce qu’il appelle la flexibilité. C’est volontaire sauf en cas de refus, moment où ça ne l’est plus. La mobilité ne peut pas et ne doit pas être acceptée dans la forme que le gouvernement souhaite.

Olivier Roy, Gaspé