Sachant que l’utilisation excessive des écrans a un effet majoritairement négatif sur nous, nous vous avons demandé si vous avez déjà tenté de limiter votre utilisation de ceux-ci ou celle de vos enfants. Voici quelques-unes de vos réponses.

Un combat impossible

À la maison, mon adolescent a un temps d’écran limité par jour. Les cellulaires ne sont pas accessibles la nuit, mais lorsque le temps d’écran est terminé, lorsque l’heure du coucher arrive, nous vivons quotidiennement des crises. Parce que lâcher les écrans lui est insupportable. Parce que nous sommes des méchants parents qui brimons notre adolescent. Même si, en théorie, les cellulaires ne sont plus autorisés en classe, la majorité des enseignants les tolèrent. Mon adolescent poursuit son temps d’écran à l’extérieur, à l’école, chez des amis. On a l’impression de ramer seuls et à contre-courant. Je ne vois aucune lumière au bout du tunnel.

Anne Robert, Montréal

L’influence des parents

L’utilisation du cellulaire par les parents obnubilés par ce petit écran exerce une mauvaise influence sur les enfants et les bébés. Je croise souvent des mères qui promènent leur bébé tout en parlant au téléphone. Les cellulaires empêchent les parents d’interagir avec leur progéniture. Et le bébé apprend que le cellulaire est ce qui est important dans la vie. L’interdire sera difficile, il faut conscientiser les jeunes et les parents. On pense à tort que les bébés sont trop jeunes pour comprendre. Au contraire, ils sont comme nous quand on apprend une langue étrangère. On comprend plus que ce qu’on est capable de dire.

Louise Girard, Varennes

Sport et lecture

Nous avons trois enfants nés entre 1998 et 2005. Leur adolescence a été marquée par l’arrivée des portables et des réseaux sociaux. Tous les trois réussissent bien (deux diplômés universitaires, un cégépien en route vers les études universitaires). Aucune restriction d’écran n’a été nécessaire. Pourquoi ? Comment ? Amour de la lecture dès le primaire et sports. Ensuite sports, sports, sports et lecture au secondaire. Ça aurait pu être lecture et théâtre ou musique. Aucun écran ne peut rivaliser avec l’amour de la lecture d’un livre et l’amour d’un sport ou d’un art. Boucar Diouf a déjà dit cette phrase magnifique : « Un enfant, ça n’écoute pas, ça imite. » Les parents devraient se questionner sur leur propre utilisation des écrans. Le fond du problème, il est là.

Robert Poisson, Pierrefonds

Une classe sans écrans

Il y a quatre ans, j’enseignais au préscolaire. Je n’ai jamais voulu le fameux tableau TBI dans ma classe ni d’ordinateur. Certains collègues me percevaient comme une extraterrestre. En classe, les enfants ont besoin de développer leur créativité, leur motricité, leurs relations sociales, leurs habiletés langagières, etc. Plusieurs parents m’ont félicitée de ne pas avoir d’écran en classe. Plusieurs me disaient : du temps passé à l’écran, il y en a assez comme ça à la maison. Il ne faut pas oublier que la télévision est aussi un écran…

Marie-Claude Désilets, Belœil

Dialoguer avec nos enfants

Ma fille est en garde partagée. Son père et moi sommes à l’opposé concernant l’omniprésence de la technologie dans nos vies. Chez son père, elle a eu son premier cellulaire à 9 ans, son ordinateur est dans sa chambre, où elle dort à côté d’un appareil Google Home qui est allumé en permanence. Cela me crève le cœur et m’inquiète énormément. Toutefois, je suis obligée d’admettre qu’elle arrive à bien gérer son temps d’écran chez moi et qu’elle est capable de faire preuve de sens critique quant à la technologie et à ses impacts sur elle. Je me force à me rappeler que nous, les adultes, restons responsables de ce à quoi nous exposons nos enfants et que nous devons, coûte que coûte, garder le dialogue ouvert avec nos enfants.

Marie-Andrée Bouchard, La Prairie

Une approche positive

Je suis d’accord avec le fait que nos jeunes passent trop de temps sur les écrans. Toutefois, au lieu de se concentrer sur les interdits et les limitations, pourquoi ne pas utiliser une approche positive ? On pourrait par exemple faire la promotion d’un ou de quelques moments de la semaine où le mot d’ordre serait : tout le monde va jouer dehors après le souper. De cette façon, nos enfants et petits-enfants mettraient le nez dehors et au lieu de voir leur ruelle ou leur parc vide, ils y trouveraient d’autres enfants de leur âge avec qui jouer. Si tout le monde le faisait en même temps, on aurait juste à les laisser jouer les uns avec les autres. Ça demanderait juste un catalyseur pour lancer le mouvement.

Christian Denis, Saint-Hubert

Une limite de temps

En tant que parents de trois filles âgées de 6 à 10 ans, nous avons mis en place Family Link sur leurs appareils Android. Cela nous a permis de fixer une limite de temps d’écran à 40 minutes entre 8 h et 20 h les jours d’école. Durant les week-ends, cette limite est augmentée à 75 minutes par jour, entre 8 h et 21 h 30. Malheureusement, nous sommes confrontés à une limitation, puisque YouTube Kids n’est pas accessible au Québec, ce qui nous empêche de l’utiliser pour notre cadette.

Pierre Maille, Mirabel

Pour un cadre légal et normatif

Je suis conseiller pédagogique dans le domaine des technologies d’apprentissage. Je pose la question depuis des années à propos des impacts négatifs des écrans et des réseaux sociaux. Souvent la même réponse : tout dépend de l’usage. Ce qui revient à ne rien dire du tout, à mon avis, car cette réponse ne tient pas compte des usages les plus répandus, de leurs effets tant sur le plan personnel que social et environnemental. Tant mieux si les études confirment et donnent un sens aux observations quotidiennes (cellulaire au volant, cellulaire en tout temps, perte d’attention, diminution de certaines facultés cognitives, trouble du sommeil, isolement, distorsion de la réalité, désinformation, polarisation, surconsommation, atteinte à la vie privée, etc.). Il est sérieusement temps de mettre un cadre légal et normatif tenant compte des impacts réels plutôt que des potentialités imaginées par les entreprises privées, les technophiles dont les motivations ne sont pas très claires. Je ne nie pas ce potentiel, toutefois, il est indispensable de lui accorder la place qui lui revient : un usage sous conditions, une consommation régulée, un stockage sécuritaire à la maison ? On retire les batteries et on met l’appareil sous clé ? Tout dépend de l’usage : les fusils ne tuent pas les gens, sauf que…

Saverio Pino, Montréal