Nous devons faire le deuil d’une sortie rapide de la crise du logement. Les chiffres publiés récemment par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) nous rappellent la gravité de la situation, partout au pays1.

On le voit par ce que j’appelle depuis deux ans ses effets multiplicateurs : l’insécurité alimentaire, la détérioration de la santé mentale et l’itinérance. En conséquence, la pression est devenue insupportable pour les organismes qui apportent leur soutien à toutes ces personnes qui vivent au quotidien les conséquences d’un manque d’accès au logement.

Mais cette crise n’est pas arrivée de manière spontanée. Elle se prépare depuis plus de 30 ans, quand le financement gouvernemental du logement communautaire a commencé à vaciller. Au cours de ces décennies, nous nous sommes complu dans l’euphorie d’une économie prospère, de faibles coûts d’emprunt, de taux de chômage historiquement bas et de la conviction que le sacro-saint marché réglerait l’affaire. Au-delà des défis économiques actuels, il manque simplement trop de logements pour que le marché immobilier se rééquilibre par lui-même.

En mai 2023, Centraide dévoilait un nouvel indicateur : le revenu résiduel, soit l’argent qu’il reste dans nos poches, une fois payés le loyer et les dépenses essentielles. L’an dernier, il fallait 30 000 $ de revenu annuel pour que ce résiduel soit positif. En 2024, il faut maintenant 31 000 $, une augmentation de 3,5 %2. On estime que 310 000 ménages dans le Grand Montréal (comparativement à 292 000 l’an dernier) affichent un solde négatif. Ce sont autant de familles qui doivent couper dans l’essentiel même.

Des opportunités

Mais s’il est irréaliste de croire à un dénouement magique de la crise, il est tout aussi pernicieux de penser qu’elle est insoluble.

L’histoire récente est remplie de moments aussi improbables que porteurs d’espoir, bâtis sur des collaborations inédites menant à des solutions. Le contexte actuel, aussi sombre peut-il parfois nous sembler, présente plusieurs manières de transformer cette crise en opportunité.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Immeubles à bureaux au centre-ville de Montréal

Je pense par exemple à tous ces bâtiments, bureaux vides, entrepôts désaffectés et autres espaces inutilisés qui pourraient être convertis en logements.

De plus, en simplifiant la réglementation et en réduisant les délais administratifs, nous pouvons accélérer le processus de construction.

L’innovation dans le secteur de la construction est une autre clé pour rendre le logement abordable3. En adoptant des techniques de construction modernes et des matériaux durables, plus dispendieux à la construction, mais bénéfiques sur la durée de l’édifice, il est possible d’envisager des économies autant pour la construction que pour l’entretien de ces immeubles.

Il est aussi crucial d’identifier et de rendre accessibles de nouveaux terrains constructibles. La libération de terrains publics et la simplification des procédures d’acquisition de terres privées peuvent stimuler la construction de nouveaux logements.

L’accès à diverses sources de financement est un autre élément essentiel pour stimuler le secteur du logement. Encourager les partenariats public-privé, les coopératives de logement et les investissements communautaires diversifie les options et rend possible la réalisation de nombreux projets. Offrir des incitatifs financiers et des avantages fiscaux aux propriétaires privés et collectifs encourage la mise en location de plus de logements.

Il est vital de sensibiliser les citoyens à leurs droits et responsabilités en matière de logement et de leur offrir un accompagnement personnalisé. Des programmes d’éducation et de soutien juridique aident déjà les locataires à se défendre contre les abus et à connaître leurs options. La gestion des conflits entre locataires et propriétaires doit être améliorée. Des procédures de médiation efficaces et accessibles permettent de résoudre les disputes de manière équitable et rapide, préservant ainsi des relations harmonieuses.

Des rencontres régulières ont déjà lieu entre différents acteurs œuvrant dans le logement, dont des initiatives comme Plancher et l’UTILE. Le soutien communautaire joue un rôle crucial dans la prévention de l’itinérance et l’accompagnement des personnes en difficulté. En renforçant les initiatives locales et en soutenant les organisations communautaires, nous pouvons offrir des solutions adaptées et humaines.

Une mobilisation en marche

Il faut arrêter de montrer du doigt et se mettre à table, littéralement. Nous avons besoin d’un potluck collectif d’idées innovantes. Tous les acteurs de la société civile doivent participer à la recherche de solutions.

La bonne nouvelle, c’est que cette mobilisation semble en marche.

Les premiers pas de GALOPH, sur le site de l’ancien hippodrome Blue Bonnets, montrent que l’adhésion sociale est possible lorsque celle-ci est intégrée au design même du projet4. Il suffit de mettre au centre de la table l’intérêt des personnes que nous tentons d’aider, et de laisser le nôtre au vestiaire.

Afin de bâtir un avenir où chacun trouvera sa place et où la dignité humaine sera au cœur de nos préoccupations, la solution à la crise du logement doit devenir une priorité nationale. Et ce sont les collaborations inédites qui sont les plus susceptibles de nous mener à des solutions qui profiteront à l’ensemble de la société.

1. Consultez le rapport de la SCHL 2. Consultez le rapport de Centraide 3. Lisez « Un groupe indépendant propose un plan de 140 recommandations pour contrer les crises » 4. Lisez « 20 000 logements sur le site de l’ancien hippodrome » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue