Les villes américaines de Portland et d’Austin en ont. Tout comme les villes ontariennes de Windsor et de Peterborough. Montréal pourrait être la prochaine ville canadienne à développer des villages de minimaisons pour offrir un toit – temporaire – aux personnes itinérantes. Il reste encore des fils à attacher, mais la Ville veut aller vite pour répondre à une crise de plus en plus difficile à gérer.

Il y a six mois, je vous posais la question : est-ce que l’humoriste Mike Ward avait eu raison, en 2022, quand il avait proposé 25 minimaisons à la Ville de Montréal pour répondre à la crise de l’itinérance ? À l’époque, la mairesse Valérie Plante avait répondu qu’elle privilégiait plutôt des solutions « encadrées et adaptées ».

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Des « minimaisons » proposées par Mike Ward ont été brièvement installées sur le terrain de l’organisme Ensoleilvent de Drummondville, en 2022.

Depuis ce temps, la crise de l’itinérance a pris de l’ampleur et l’administration Plante est revenue sur ses positions. Le nombre de personnes itinérantes dans les rues de Montréal a explosé, les campements se sont multipliés, et la cohabitation avec les citoyens est de plus en plus tendue.

En attendant que l’on construise davantage de logements sociaux, ce qui prend vraiment beaucoup de temps, il faut trouver des solutions.

J’en ai discuté avec Serge Lareault, commissaire aux personnes en situation d’itinérance à la Ville de Montréal. Il m’a confirmé qu’un comité travaille activement à monter un projet.

On veut être proactif. Face à la lenteur du processus pour bâtir du logement social, on cherche des solutions rapides, et les unités d’habitation temporaire sont une de ces solutions.

Serge Lareault, commissaire aux personnes en situation d’itinérance à la Ville de Montréal

À quoi ressembleront ces maisons ? On ne le sait pas encore. Soyons réalistes, il reste beaucoup d’étapes à franchir avant qu’on voie le premier village sortir de terre.

La Ville a mobilisé une équipe d’une douzaine de personnes avec des expertises en urbanisme, en développement immobilier et social, etc. Première étape : faire l’inventaire des terrains non contaminés à Montréal qui pourraient accueillir ce type d’installations.

« Il faut d’abord trouver des terrains non contaminés pour installer les unités d’habitation temporaire, explique Serge Lareault. On ne peut pas les installer n’importe où. Or, il n’y en a pas des tonnes, de ces terrains. Et il faut aussi pouvoir alimenter ces unités d’habitation en électricité et les raccorder aux services sanitaires. Cela doit être sécuritaire. On ne veut pas construire des bidonvilles ! »

Les villages de minimaisons sont en émergence au Canada, indique le commissaire aux personnes en situation d’itinérance à la Ville de Montréal. Toutes les grandes villes sont aux prises avec les conséquences de la crise d’itinérance. Sauf que dans les autres provinces canadiennes, les processus sont plus souples qu’au Québec. « Les pouvoirs en habitation ne sont pas les mêmes et ils peuvent bouger plus rapidement », note Serge Lareault.

Il faut donc souhaiter que les ministères de l’Habitation et de la Santé et des Services sociaux assouplissent leurs règles. Ce serait dommage que les minimaisons ne voient pas le jour sous prétexte que le concept ne rentre pas dans les petites cases des programmes gouvernementaux.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Serge Lareault, commissaire aux personnes en situation d’itinérance à la Ville de Montréal

C’est certain qu’un tel projet ne correspond pas aux volontés de densification des différents gouvernements. Mais j’insiste, ce serait une solution temporaire en attendant la construction de logements sociaux.

Serge Lareault, commissaire aux personnes en situation d’itinérance à la Ville de Montréal

Deuxième étape : trouver un organisme communautaire qui va encadrer ces « villages ». « Ce n’est pas la Ville de Montréal qui va faire ça, souligne M. Lareault. Or, les regroupements d’unités d’habitation temporaire ne sont pas un environnement traditionnel. Il faut trouver l’organisme communautaire qui se sent à l’aise dans ce contexte. On sent qu’il y a un intérêt, il faut l’essayer. »

À l’heure actuelle, M. Lareault et son équipe sont en train de monter un dossier qu’ils souhaitent le plus étoffé possible. Ensuite, la Ville de Montréal devra entreprendre des discussions avec les ministères concernés.

Dans un monde idéal, bien sûr que l’idée de loger des êtres humains dans des villages de minimaisons n’est pas la solution rêvée. On voudrait que tout le monde vive dans un vrai appartement ou une maison avec des murs de briques et un toit solide au-dessus de la tête.

Mais dans le contexte actuel, quand on voit les conditions dans lesquelles certaines personnes se fabriquent des abris de fortune plus ou moins sécuritaires, reconnaissons que l’option des minimaisons est un concept qui vaut la peine d’être exploré. Je trouve la minimaison plus sécurisante et respectueuse de la dignité des personnes itinérantes qu’une tente érigée dans un parc qui risque d’être démantelée à répétition.

Alors oui à la minimaison, à condition que cette solution soit bel et bien temporaire, pas permanente. Et que, parallèlement, on continue à faire les efforts requis pour construire les logements sociaux qui font cruellement défaut.

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