J'imagine que je ne suis pas le seul au Québec à en avoir ras le bol de notre système judiciaire. On se targue au Canada de posséder un taux de criminalité de beaucoup inférieur aux États-Unis, ce qui est vrai, mais on néglige de tenir compte de bien des facteurs historiques.

Sans les excuser, les Américains sont un peuple plus violent que le nôtre pour plusieurs raisons: la guerre d'Indépendance, la conquête sanglante de l'Ouest, la guerre de Sécession, les problèmes raciaux liés à l'esclavagisme, une immigration plus diversifiée qui a favorisé très tôt les rivalités ethniques, et le fameux amendement constitutionnel concernant le libre port d'armes.

 

Au Canada, les sentences sont courtes (comparez celles des fraudeurs d'Enron et celles des magouilleurs du scandale des commandites) et on relâche bien vite les coupables, faute d'espace dans les prisons. Écouter les nouvelles judiciaires à la télé est devenu un pot-pourri d'aberrations.

Ce qui cloche au Québec (et probablement dans le reste du Canada), c'est que les crimes sont pénalisés très souvent d'une façon ridiculement légère. Ensuite, une fois dans le milieu carcéral, c'est pratiquement le Club Med: soins gratuits (et hospitalisation prioritaire), salle d'entraînement, piscine, télévision, téléphone cellulaire pour voir à son petit bizness extérieur, repas à la carte (astuce des contraintes religieuses), intimidation des gardiens (pour favoriser l'entrée de drogues), fouilles préventives des cellules rendues presque impossibles (la Charte des droits).

Pourquoi pensez-vous que lorsqu'un criminel canadien se fait pincer au Mexique, au Liban ou en Indonésie, il fait des pieds et des mains pour venir purger sa peine dans nos cellules? Quand on écoute les confidences des gardiens de prison, ils disent carrément que les détenus ont plus de droits qu'eux, que le «contrôle» de plusieurs secteurs de la prison est aux mains des motards ou des membres des gangs de rues. Mais il ne faut pas parler de ça à haute voix, ça va contre le politiquement correct, contre la réhabilitation, contre le pardon social. On risque de passer alors pour des intolérants, des extrémistes de droite, des réactionnaires, voire des sans-coeur.

Le nec plus ultra de l'aberration est de deux ordres: le temps qui compte en double durant l'incarcération avant la condamnation et les sorties de prison automatiques après un sixième de la peine pour les crimes sans violence. Que dire des peines «à vie» qui valent en fait 20 ans (25 ans pour de rares cas extrêmes) avec, dit le juge sans rire encore la semaine dernière, «14 ans de prison à purger ferme avant une demande de libération»?

On dira que «les études» de criminologues et des psychologues prouvent que la réhabilitation vaut mieux que la répression, ou qu'il n'y a rien de pire que de priver un être humain de sa liberté. Et priver la victime de sa vie, de ses biens (Norbourg) ou la laisser avec une incapacité physique permanente, elle? Et que dire des ivrognes au volant condamnés cinq, huit ou 12 fois, encore derrière leur volant jusqu'à la fois fatale où ils fauchent la vie d'un innocent?

En tout cas, si jamais je passe devant un juge, je connais mes quatre arguments de défense: 1) je n'ai pas d'antécédent judiciaire, un grand classique! comme si le premier crime était excusable; 2) il n'y a pas eu de violence; 3) j'ai évité un procès «long et coûteux» à la société en plaidant coupable; 4) de concert avec la Couronne, on y va pour une petite entente à l'amiable sur les chefs d'accusation.

Et si je suis condamné, je connais tous les atténuants de peine déjà bien médiatisés: 1) le temps que dure l'incarcération préventive et le procès, tout ça compte en double; 2) autre classique: je mérite sûrement une peine «dans la communauté» car je ne représente pas de risque de récidive; 3) encore mieux, j'exige une peine «avec sursis» car je suis soutien de famille; 4) toujours, toujours invoquer la jurisprudence, elle est tellement doucereuse; 5) bien sûr, je compte bien me prévaloir du «1/6 de peine automatique»; 6) enfin, sitôt condamné, je ferai sûrement appel et c'est la société qui paiera les frais de cour.

Quel système de justice boiteux et absurde de laxisme! Qu'on est donc bons, sans remords sur la conscience et formidablement distincts, ici, au Québec. Une peine méritée, à purger totalement pour un crime grave ou sordide? Mais d'où sortez-vous donc, on n'est pas au Moyen-Âge, quand même!

L'auteur demeure à Sainte-Marthe-sur-le-Lac.