Le fait que nos voisins et amis mexicains doivent dorénavant obtenir un visa pour visiter le Canada nous permet de constater avec étonnement à quel point des décideurs pourtant bien avisés peuvent parfois prendre des décisions qui manquent de vision.

Puisque les demandes de statut de réfugié du Mexique représentent maintenant plus d'un quart de toutes les demandes de personnes cherchant à fuir les conflits et la persécution, cette décision semble à première vue justifiée, équitable et raisonnable.

 

 

Sans autre préavis, un délai de conformité de 48 heures a été imposé à des milliers de ressortissants mexicains qui, de bonne foi, se préparaient à voyager dans diverses régions du Canada. Le tout exécuté à la veille de leur période de congé annuel estival.

Ce délai inéquitable a causé préjudice à notre propre industrie touristique avec d'innombrables annulations de billets d'avion, de réservations hôtelières, de locations de voiture, de rassemblements de familles et d'amis, sans compter l'état de panique créé dans nos établissements diplomatiques au Mexique. De nombreux reportages ont indiqué que des centaines de Mexicains tentaient toujours de soumettre leur demande de 85$ aux fonctionnaires canadiens pris de court. Mais à quoi a-t-on pensé?

Le Mexique n'est pas un quelconque pays d'un autre hémisphère. Cette puissance émergente est la 11e économie au monde. C'est un partenaire et ami de longue date du Canada. Nous entretenons d'excellentes relations avec ce pays depuis plus de 65 ans et nos liens se sont particulièrement resserrés au cours des 15 dernières années grâce à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).

Le Mexique est le cinquième marché d'exportation en importance pour le Canada. Au cours des 15 dernières années, des entreprises canadiennes ont injecté au Mexique plus de 9 milliards en investissements directs et nous sommes maintenant le troisième investisseur étranger en importance. Plus de 2000 entreprises canadiennes sont établies dans ce pays. En 2008, 1,2 million de Canadiens ont dépensé 1,5 milliard au Mexique.

Ces nouvelles tensions indésirables exercent ainsi une pression accrue sur nos industries touristiques respectives, déjà durement touchées cette année par le virus A (H1N1) au Mexique et la météo peu clémente du nord-est du Canada.

Le Mexique demeure la sixième source de visiteurs au Canada avec plus de 260 000 arrivées par an. Tourisme Montréal a indiqué que 90 000 Mexicains injectent chaque année environ 60 millions dans l'économie de la métropole. Une telle approche peu éclairée de la part de certains décideurs canadiens pourrait mettre en péril la viabilité de notre industrie touristique bilatérale et exercer une pression inutile sur une relation exemplaire... Et si le Mexique devait gentiment répliquer et éventuellement adopter une approche semblable en exigeant des visas et des frais des visiteurs canadiens? À ce stade du débat, il a eu la sagesse de ne s'en prendre qu'aux représentants officiels du pays.

Derrière cette décision peu réfléchie réside la question des demandes d'asile formulées par un nombre grandissant de ressortissants mexicains cherchant à fuir leur conjoncture économique et sociale. Les défis liés à la hausse de la criminalité et de la pauvreté font du Canada un endroit de rêve pour nombre de Mexicains qui ne voient pas d'avenir pour leurs enfants et qui souhaitent leur offrir une part de cette terre d'accueil et de compassion.

De nombreux reportages ont aussi fait état de l'existence au Mexique de promotions frauduleuses formulées par des parties sans scrupules cherchant à profiter de notre système de demande d'asile, poussant ainsi des centaines de citoyens à tenter leur chance et entraînant une augmentation accrue et récente des demandes d'asile.

Plutôt que d'annoncer des mesures que l'on aurait pu mettre en place dans un délai raisonnable de 90 jours, d'accroître les ressources afin de mieux soutenir nos agents locaux d'immigration, de multiplier nos efforts de communication grand public afin de contrer la fraude et d'accélérer nos enquêtes sur ces agissements suspects, un bien-pensant a choisi une solution facile. Il a de ce fait pénalisé 96% des Mexicains de bonne foi souhaitant visiter notre pays. Bon coup pour nos relations bilatérales et tant pis pour les dommages causés à notre image à l'étranger. Beau travail, Canada!

L'auteur est spécialiste en matière de stratégies et de communications et associé directeur du bureau montréalais du cabinet international Cohn&Wolfe.