Donnez du sang. Donnez la vie. Environ 97% y pensent, 3% le font: autant de slogans qui nous rendent moralement coupables de ne pas donner un peu de notre sang au moins une fois par année.

Malheureusement, plusieurs personnes sont exclues du don de sang, selon la liste publiée sur le site d'Héma-Québec: ceux qui prennent des antibiotiques, les femmes qui ont accouché il y a moins de six mois, les diabétiques qui prennent de l'insuline, etc.

Cette liste n'est cependant pas exhaustive: il manque l'exclusion des hommes homosexuels. En fait non, une infirmière m'a déjà dit que les homosexuels n'étaient pas exclus, «seulement les hommes qui ont eu une relation sexuelle avec un autre homme depuis 1977».

Voilà qui est pire: non seulement on rejette les homosexuels, sauf ceux qui s'abstiennent depuis 32 ans (!), mais aussi tous les hommes qui, ne serait-ce qu'une fois, ont fait une expérience avec un autre homme.

Cette loi fédérale a été instaurée en 1983, afin de protéger les receveurs de sang de l'épidémie de VIH/Sida, mal peu connu à l'époque, qui était encore long à détecter.

Il est vrai que l'énorme majorité des malades étaient homosexuels, une clientèle peu portée à se protéger. Mais les temps ont changé, les homosexuels ont pris de nouvelles habitudes, les jeunes sont beaucoup plus conscients des risques, ils se font tester régulièrement, en discutent entre eux.

De plus, du côté des institutions, les tests sont beaucoup plus rapides et précis, la maladie peut passer bien plus difficilement, et désormais trois semaines suffisent entre le moment de l'infection et celui où on peut détecter la maladie.

Ce règlement ostracise tous les hommes qui, une fois seulement, ont eu un contact sexuel avec un autre homme et contribue à l'idée, très répandue dans la population, que les homosexuels sont les seuls responsables de la propagation du VIH/sida.

Alors qu'aux États-Unis les principales agences de collecte de sang suggèrent à l'administration d'exclure seulement les hommes ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme dans la dernière année, ici, nous stagnons toujours. Même si le risque n'était augmenté que d'un sur 50 millions en comptant les homosexuels dans les donneurs potentiels (Dominique Nancy, Doit-on interdire à vie aux homosexuels de donner du sang? Forum, Université de Montréal, Vol 40, No 27, 10 avril 2006).

Je suis né en 1985. Je suis homosexuel. Je fais partie des 97% qui y pensent, mais j'aimerais bien mieux aller grossir les rangs des 3% qui le font.

L'auteur habite à Montréal.