Peu d'analystes osent prévoir le moment où la récession prendra fin. Car en matière de prévisions économiques, face à une récession presque «atypique», c'est peut-être une des premières fois que nous sommes confrontés à une obscurité aussi profonde. Au surplus, les prévisions de croissance du PIB et les perspectives économiques générales changent du tout au tout, en quelques semaines à peine, avec des écarts qui sont souvent irréconciliables. Par exemple, en moins de trois mois, la Banque du Canada a repoussé d'un an la reprise de l'économie canadienne et a réduit ses perspectives de croissance pour 2010 de plus de 30%. Des perspectives qui demeurent encore deux fois plus optimistes que celles du FMI et de Desjardins.

Comment s'y retrouver? Comment évaluer où nous en sommes dans ce cycle peu commun où trône un environnement de confusion? Il faut se rabattre sur des indicateurs réels qui, sans nous donner un portrait clair et infaillible, peuvent exprimer une certaine tendance.

 

Une des clés de la reprise demeure la relance de la confiance des agents économiques. Or, à cet égard, les nouvelles encourageantes et mesurées ne manquent pas depuis quelques semaines.

Depuis la mi-mars, en dépit des prévisions pessimistes et même catastrophiques de certaines institutions respectables, la grande majorité des indices boursiers mondiaux en Amérique, en Europe et en Asie ont connu de belles embellies et dépassent maintenant leurs niveaux d'il y a cinq mois. D'un naturel sensible aux mauvaises nouvelles, le marché boursier y semble aujourd'hui hermétique. Si, en regard de l'histoire, nous savons que le comportement du marché boursier devance de six mois l'allure de la conjoncture économique réelle, il y a des perspectives positives à tirer de cette tendance.

Le moteur chinois

La production industrielle a légèrement remonté aux États-Unis et en Europe en mars et les indices des acheteurs, établis à partir de données d'enquêtes sur les perspectives économiques auprès de milliers d'entreprises manufacturières et de services, sont en hausse partout. L'indice composite européen mensuel (le PMI), par exemple, progresse constamment et s'établit maintenant à 40,5 pour l'ensemble des pays européens. Il faut que cet indice dépasse le niveau 50 pour entrer dans une ère d'expansion économique et il s'en rapproche progressivement, mais sûrement. Ce seuil de 50 est maintenant dépassé par la Chine (avec 52,4), ce pays émergent qui a également vu, contre toute attente, sa production manufacturière remonter de 10% le mois dernier. La Chine pourrait d'ailleurs créer des surprises à titre de moteur majeur de la reprise mondiale.

Le secteur immobilier connaît également son vent de fraîcheur au Canada, où on a enregistré une reprise depuis trois mois et une croissance spectaculaire le mois dernier, et même aux États-Unis, là où il s'était totalement effondré. Enfin, contre toute attente, le Canada a créé 36 000 nouveaux emplois en avril et même si les États-Unis en ont perdu 539 000, c'est la perte la plus faible des six derniers mois.

Bref, si la récession nous a pris par surprise, son évolution semble être présidée par le même déterminant. La récession n'est certes pas terminée et nous aurons droit encore à de mauvaises nouvelles pendant quelques mois, avant que ne se pointe réellement un début solide de reprise. Mais elles seront de moins en moins mauvaises et les quelques signes actuels de stabilisation de la conjoncture économique mondiale sont très encourageants. L'hémorragie semble arrêtée, il faut souhaiter que le patient se rétablisse rapidement.

Loubier, Yvan

L'auteur est économiste et conseiller principal au cabinet de relations publiques NATIONAL.