C'est d'abord par une meilleure diversification, et non davantage de risques, que les rendements de la Caisse se sont hissés jusqu'au premier quartile entre 2003 et 2007. C'est ce que désigne l'expression «rendement optimal» dans la mission de la Caisse: la recherche du rendement requis par les déposants en respectant le niveau de risque fixé par eux, et non le rendement maximal au prix d'un risque accru.

Je n'ai pas inventé la roue en accroissant la diversification du portefeuille de la Caisse. Cette diversification accrue, loin de rompre avec le passé, s'inscrit dans le prolongement des gestes posés par le législateur et les gestionnaires de la Caisse au cours des 40 années précédentes. En 1968, la Caisse gérait un portefeuille constitué à 80% dobligations et 20% d'actions. Progressivement, la proportion des actions a plus que doublé. Puis, dans les années 80, les placements privés et l'immobilier sont apparus et ont permis à la Caisse de se diversifier davantage.

 

Au fil de la croissance et de cette diversification, les dirigeants de la Caisse ont constitué un réservoir d'expertise enviable notamment en immobilier et en placements privés de même qu'un impressionnant réseau international de partenaires et de contacts. C'est en capitalisant sur cette vaste expérience que la Caisse a poursuivi sa croissance et sa diversification.

De 2002 à 2007, la part des actions cotées en Bourse dans l'actif de la Caisse a diminué de 42% à 36%, au profit d'un accroissement de 22% à 35% des actifs dits non traditionnels comme l'immobilier, les infrastructures ou des fonds de placement privés de première qualité. Ces actifs ont l'avantage de produire d'importants revenus courants, revenus qui deviennent essentiels avec l'accroissement du nombre de Québécois prestataires de rentes de retraite.

La poursuite de cette diversification a permis de faire exactement ce que les déposants attendaient de la Caisse: produire le rendement requis sans accroître le risque.

Certes, aucune diversification ne met à l'abri d'un écrasement simultané de tous les marchés, dans tous les secteurs et dans toutes les régions du monde, comme cela s'est produit en octobre dernier. La Caisse n'a pu se mettre à l'abri, pas plus que d'autres investisseurs, d'ailleurs.

»JE NE SUIS PAS PARTI EN PLEINE TEMPÊTE»

(...) J'ai quitté la présidence de la Caisse le 30 mai 2008. J'avais complété un mandat de cinq ans prévu à la nouvelle Loi de la Caisse; le cycle de divulgation et de reddition de comptes de 2007 était aussi complété. Dans le cycle annuel de la Caisse, le printemps est le moment le plus approprié pour effectuer la transition entre deux chefs de la direction. Tous les chefs de la direction de la Caisse depuis Jean Campeau ont quitté leurs fonctions au printemps.

Quel était l'état des grands dossiers de la Caisse à ce moment-là? D'un côté, le plan stratégique de trois ans était complété; de l'autre, la restructuration des PCAA était essentiellement terminée, sous réserve de l'approbation du tribunal. D'ailleurs, tout en laissant la direction de la Caisse, j'ai accepté de rester comme conseiller spécifiquement sur ce dossier des PCAA, jusqu'en août 2008.

L'environnement financier se prêtait aussi à un changement à la direction. Les marchés se stabilisaient. La plupart des experts s'attendaient à un ralentissement nord-américain, mais aucunement à la crise qui s'est déchaînée dans le sillage de la faillite de Lehman Brothers à la mi-septembre. À compter du printemps 2008, les banques centrales effectuèrent une pause dans les baisses de taux, indiquant leur attente d'une reprise de l'activité économique.

Au printemps 2008, un large consensus existait à l'effet que le pire était passé, et que les marchés financiers avaient retrouvé une certaine sérénité.

Je ne suis donc pas parti «en pleine tempête». Encore moins pour fuir le genre de tempête qui s'est déclenché en octobre 2008. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas de ceux qui se défilent devant leurs obligations. Par exemple, en août 2007, je me suis retroussé les manches et j'ai pris mes responsabilités dans le dossier des PCAA.

L'histoire financière de 2008, à la Caisse comme ailleurs, s'est écrite pour l'essentiel cinq mois après mon départ de l'institution. Ce n'est pas me soustraire à ma responsabilité que de rappeler ce fait.

PCAA: «J'ASSUME LA RESPONSABILITÉ»

(...) La perturbation des marchés du PCAA a été mondiale. Pourtant, seul le Canada a été confronté à une crise de liquidité. Partout ailleurs, avec l'appui de leurs banques centrales, les banques ont fourni les liquidités nécessaires au maintien du marché des PCAA.

D'ailleurs, depuis la perturbation d'août 2007, toutes les banques faisant affaire au Canada ont adopté les normes internationales appelées «Entente de liquidité globale».

Comme l'a dit le président Fernand Perreault, l'erreur ne fut pas de détenir des PCAA; elle fut d'en détenir autant. Et si la Caisse en détenait autant, c'est que la politique de gestion de risque de la Caisse ne fixait pas de plafond pour les produits du marché monétaire de première qualité, ceux cotés AAA. La situation a été évidemment corrigée depuis.

Malgré ces faits, malgré ces explications, cette situation regrettable s'est produite pendant mon mandat. Comme premier dirigeant, j'en assume la pleine responsabilité.

Je revendique toutefois d'avoir rapidement, avec des collègues de l'industrie financière, posé les gestes appropriés pour résoudre l'impasse du PCAA non bancaire canadien. Grâce à l'Entente de Montréal, le PCAA non bancaire canadien a été restructuré avec succès. Résultat: plutôt que de subir des pertes colossales dans le cadre d'une vente de feu du PCAA, la Caisse détient des créances à long terme sur lesquelles elle perçoit des intérêts trimestriels. Elle a reçu 389 millions de dollars d'intérêts accumulés en janvier dernier. La décote actuelle reflète l'absence de marché liquide pour ces titres, et non leur valeur intrinsèque. À peine 3% des provisions enregistrées sur les PCAA sont matérialisées, c'est-à-dire effectives. Ces créances affichent une bonne perspective de récupération du capital à l'échéance.

L'auteur a été président et chef de la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec de 2002 à 2008. Ce texte est extrait de l'allocution qu'il a prononcée hier, à titre personnel, devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain.