Montréal s'est transformé en immense show pour accueillir le 57e match des Étoiles, il y a quelques semaines. Il y avait de l'émotion dans l'air! Le hockey, nous avons cela dans les tripes depuis notre tendre enfance. Nous en sommes imprégnés, contaminés malgré nous, mais pas nécessairement inconditionnels. Il a certes évolué au fil du temps, et ses protagonistes n'ont pas toujours vogué sous un ciel étoilé. Je reste cependant nostalgique d'une certaine façon de jouer au hockey.

En ce centenaire des glorieux Canadiens, il faut reconnaître avec justesse cette période où, avec un peu de talent et du coeur au ventre, tout était permis. À travers ce siècle marqué par tant d'émotions vécues sur la glace, nous retraçons quelque peu l'histoire vivante et émouvante de ce que nous sommes comme peuple francophone en cette terre d'Amérique.

 

J'ai eu ma première paire de patins neufs à Noël en 1959, j'avais à peine 6 ans. Nous n'étions pas riches avec les neuf bouches à nourrir à la maison et je me suis senti privilégié alors de recevoir ce cadeau inattendu. J'avais rarement droit à des vêtements ou des objets neufs. On vivait tout naturellement le «passer au suivant». C'était comme ça, voilà tout!

Les religieux éducateurs de jadis ne ménageaient ni leur temps ni leurs efforts sur la patinoire; soutane relevée à la ceinture, ils se mêlaient à nous et on ne passait pas toute la partie sur le banc. Dans la mêlée, le froid givrant nos lèvres et nos joues d'enfants, nous avions l'impression d'être au monde, de vivre des moments inoubliables. Grâce â ces hommes généreux, sans prétention, sans millions dans leurs poches, nous avons appris à nous tenir debout sur des patins et aussi debout dans la vie. Ils étaient nos héros, nos étoiles. Pour garder la forme, il fallait évidemment pelleter la patinoire avant de jouer!

Tout se bousculait dans nos manières d'être, de vivre le présent et de conjuguer le futur du Québec à cette époque. Mais j'avais vivement l'impression de jouer du vrai hockey, oui vraiment! À mon humble avis, quelque chose de magique a disparu dans les méandres de ce sport devenu professionnel à outrance. Le hockey au Québec, c'est en quelque sorte une religion!

Je vibre à ce que des milliers de gens de chez nous ont vécu et vivent encore grâce au hockey joué sur un petit rond de glace dans leur patelin. Les vraies étoiles, ce ne sont pas les joueurs qui défilent sur nos écrans, ce sont ces hommes et ces femmes qui, bénévolement, accompagnent, guident et soutiennent leurs enfants dans la pratique de ce magnifique sport, devenu malheureusement inaccessible pour plusieurs, faute de ressources humaines et financières, de disponibilité d'espace.

Chaque étoile scintillante dans la nuit a une histoire pouvant inspirer nos vies essoufflées, parfois moroses. Il n'en tient qu'à nous de faire partie du vrai match des Étoiles, qui chaque matin se joue sur la patinoire de nos vies.

L'auteur de la lettre de la semaine, Jean-Guy Roy, recevra une copie laminée de cette page.

Roy, Jean-Guy

L'auteur est directeur général de la station 91,3 FM.