Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec se prépare à mettre en oeuvre un programme de dépistage prénatal de la trisomie-21 au Québec.

Que ce soit par préoccupation pour la qualité de vie des parents afin de leur permettre d'être mieux préparés à accueillir leur enfant à la naissance, ou pour assurer les meilleures conditions d'accueil aux enfants présentant une trisomie-21, ou pour céder aux pressions de l'industrie fabriquant les tests de dépistage prénatal de la trisomie-21 et qui souhaite de toutes ses forces que toutes les femmes enceintes reçoivent ces tests, et non seulement les femmes âgées de 35 ans et plus, le résultat sera le même: l'élimination des enfants qui ne correspondent pas aux attentes de la perfection. Des enfants mal vus, mal sus, mais pourtant bien jugés.

Il s'agit ici de la deuxième salve de la part du gouvernement québécois en direction des personnes qui vivent avec la trisomie-21. La dernière fois, c'était en 1988 alors que le Comité de la protection de la jeunesse du ministère de la Justice projetait une politique concernant l'euthanasie passive des enfants atteints du syndrome de Down.

 

Depuis la cause Daigle c. Tremblay (1989), la Cour suprême a tranché que le foetus in utero n'a pas droit à la vie. Cette cause a mis un point final au droit du foetus. Puisque celui-ci n'a pas droit à la vie, il n'est donc pas considéré comme une personne humaine et, par conséquent, n'est aucunement protégé par les Chartes. Ce n'est qu'après l'accouchement que l'enfant né vivant et viable devient une personne juridique à part entière.

Les chartes n'ont donc leur utilité qu'à ce moment et elles nous renseignent combien souvent elles sont ignorées envers les personnes qui vivent avec une trisomie-21 dans le cadre des tests de dépistage de la trisomie-21. Des personnes vivant avec cet état comprendront un jour ou l'autre qu'on élimine des enfants avant leur naissance parce qu'ils sont comme elles. Sur le plan de l'impact psychologique, cela représente un traitement cruel et inusité ainsi qu'une atteinte profonde à leur dignité humaine.

Ces personnes, qui connaissent la tendresse comme seule façon de vivre, possèdent trois chromosomes 21 plutôt que deux. La trisomie-21 n'est donc pas une maladie, mais un état caractérisé par la présence d'un chromosome supplémentaire. Ce chromosome est, à mon avis, celui de l'amour.

Le général de Gaulle aussi a eu une fille porteuse d'une trisomie-21. Née le 1er janvier 1928 et décédée le 6 février 1948 à Colombey-les-Deux-Églises. Sur sa tombe, son père a eu cette phrase extrêmement émouvante et lourde de vérité: «Maintenant, elle est comme les autres.» Les époux de Gaulle ne se sont jamais séparés d'elle jusqu'à sa mort. Les membres de la famille de Gaulle et leurs proches ont témoigné que le général de Gaulle, réputé pour avoir un amour retenu avec sa famille, se montrait plus chaleureux et extraverti avec Anne. À sa mort, en 1970, il fut enterré dans le cimetière de Colombey, à côté de sa fille. J'aimerais, comme Anne, que mon fils Mathieu n'ait pas à attendre sa propre mort pour être vu comme tous les autres enfants, pour qu'il soit aimé et apprécié pour ce qu'il est.

Le travail est grand pour que les «préjugeants» et «jugés» se rassemblent pour apprendre à se côtoyer et pour que tous changent leurs mentalités et leur regard afin qu'ils puissent découvrir toute l'immensité de l'amour et la grandeur d'âme des enfants nés avec une trisomie-21 et qui sont des géants de l'amour inconditionnel. Il nous restera toujours un monde à bâtir, à définir, mais accompagnés de géants, qui peut craindre cet avenir?

L'auteur de la lettre de la semaine, Sylvain Fortin, recevra une copie laminée de cette page.

L'auteur est père d'un garçon atteint de trisomie-21. Il est titulaire d'une maîtrise en droit de la santé et a présidé la Société québécoise de la trisomie-21 de 2001 à 2005.