À titre de bâtonnier du Barreau du Québec et de bâtonnier du Barreau de Montréal, nous vous soumettons quelques commentaires en réaction à des critiques formulées à l'égard de notre Cour d'appel et publiées récemment dans certains quotidiens de Montréal et de Toronto. Les propos relevés remettaient en question la qualité des juges de la Cour d'appel du Québec et la pertinence des jugements rendus par cette instance, en raison du renversement de leur décision, par la Cour suprême, dans le dossier BCE.

Dans une société démocratique fondée sur la primauté du droit, une hiérarchie de tribunaux est la norme. Notre notion de justice exige la possibilité de révision par des instances supérieures. Aucune autre activité professionnelle ou humaine n'opère de cette façon et il serait impensable qu'un système similaire soit mis sur pied pour réviser des décisions médicales, par exemple. Le résultat pratique de ce système veut que notre Cour suprême se prononce en dernier, et que son opinion prévale.

 

Il arrive fréquemment que les tribunaux soient appelés à trancher des questions nouvelles et complexes pouvant donner lieu raisonnablement à plusieurs réponses. Il arrive aussi que les juges de la Cour suprême soient partagés, ce qui ne préjuge pas de la qualité des juges dissidents. Un tel résultat reflète surtout la complexité des questions et n'est aucunement indicatif de la compétence des juges ou des instances inférieures.

Dans le cas particulier de notre Cour d'appel, nous sommes intimement convaincus qu'elle n'a rien à envier aux autres juridictions, tant par la compétence de ses juges que par ses délais de traitement, et ce, malgré une des charges de travail parmi les plus importantes au pays. Que notre Cour d'appel et notre Cour suprême divergent à l'occasion sur certaines des questions les plus complexes qui soient ne la disqualifie pas pour autant.

En matière de litige commercial, il faut souligner la nouvelle attitude des tribunaux québécois qui s'est traduite, notamment, par une réduction importante des délais. On parle désormais dans certains dossiers de «litige en temps réel».

La Cour d'appel a justement géré le dossier BCE en «temps réel». L'audience a eu lieu immédiatement après la rédaction des mémoires et les juges lui ont consacré quatre jours d'audition. La décision écrite a été rendue moins de trois semaines plus tard, ce qui est un délai extrêmement court. Nous sommes convaincus que tous les avocats impliqués, y compris certains de l'extérieur du Québec, ont apprécié cette mobilisation des ressources pour accommoder les délais exigeants imposés par la transaction. Il faut féliciter nos tribunaux, et plus particulièrement la Cour d'appel, pour cette attitude qui démontre qu'ils ne sont pas dans une tour d'ivoire et qu'ils sont conscients de l'importance d'adapter leurs processus aux enjeux en litige.

En résumé, nous sommes d'avis que les litiges d'affaires jouissent au Québec d'un traitement qui fait l'envie ailleurs. Nos deux instances, la Cour supérieure et la Cour d'appel, sont performantes. Nos juges font un travail remarquable qui mérite toute notre admiration et notre confiance.

Finalement, il est du devoir des avocats de soutenir l'autorité des tribunaux parce que, ce faisant, nous soutenons la primauté du droit qui est le fondement même de la sécurité et de la prévisibilité qui sont essentielles au bon développement des affaires.

M. Tremblay est bâtonnier du Québec et M. Schenke est bâtonnier de Montréal.