Le 14 novembre dernier, lors de l'émission La joute, animée par Stéphan Bureau à Télé-Québec, l'ex-leader parlementaire du Bloc québécois, Michel Gauthier, la comédienne Lorraine Pintal et le journaliste de La Presse, Patrick Lagacé, débattaient notamment de la crise économique actuelle et de la consommation.

Il fallait bien que l'un des trois invités nous pique au vif et dans mon cas, c'est Michel Gauthier qui a fait mouche en affirmant que, dans la situation actuelle, il était du devoir des consommateurs de maintenir leurs achats afin de soutenir l'économie. Cela m'a évidemment tout de suite rappelé le président américain sortant, George W. Bush, qui exhortait ses compatriotes à aller faire du shopping au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 afin d'éviter qu'Al-Qaeda n'entraîne l'économie américaine dans le sillage des tours jumelles.

On oublie trop souvent quelles sont les causes de la crise actuelle. Un système financier gonflé à l'hélium s'est certes effondré mais aussi sophistiqué qu'ait pu être ce système, il était surtout devenu un moyen par lequel on pouvait croire à tort qu'il était possible de toujours consommer au-delà de ses ressources. Aux États-Unis, la bulle financière s'est construite sur un taux d'épargne des ménages avoisinant les 0% et au Canada. où on aime encore se croire à l'abri, les ménages n'épargnaient plus cette année que 1% de leur revenu disponible. Faut-il vraiment fréquenter davantage les centres commerciaux? Honnêtement, je vois plus d'avenir dans la simplicité volontaire défendue par Lorraine Pintal que dans la consommation patriotique de Michel Gauthier.

Paradoxe de l'épargne

Des sceptiques avertis voudront néanmoins rappeler à Lorraine Pintal le paradoxe de l'épargne identifié par le célèbre économiste britannique, John Maynard Keynes: lorsque tout le monde cherche en même temps à augmenter son taux d'épargne, la baisse de la consommation qui s'ensuit cause du chômage, une chute des revenus et en définitive, moins d'épargne. Ils auront cependant oublié le remède imaginé par Keynes pour remédier à une telle situation: les gouvernements doivent prendre le relai en empruntant et en investissant pour l'avenir. Le secteur public canadien est en mesure de le faire, lui qui a profité du dernier cycle économique pour diminuer son endettement. Et même le gouvernement américain, qui a imprudemment fait le contraire, n'a encore rien perdu de sa capacité d'emprunter; l'appétit pour ses titres étant inégalés à l'heure où la valeur de tous les autres titres financiers s'effondre.

Il est donc possible de réconcilier la simplicité volontaire avec l'emploi et les revenus, pour autant que le gouvernement investisse dans ce qui est soutenable, c'est-à-dire dans le développement durable. Nous sommes donc devant une occasion extraordinaire de faire rimer l'emploi avec des investissements qui s'attaquent aux problèmes les plus préoccupants de l'heure: la dépendance aux énergies fossiles, le réchauffement climatique, le décochage scolaire pour n'en citer que trois.

Il est rafraichissant d'entendre ce message avec l'arrivée d'un nouveau président aux États-Unis. Il serait rafraîchissant de l'entendre ici aussi en campagne électorale. Mais il faut pour cela que les citoyens soient mûrs pour le message (l'étaient-ils lors des dernières élections fédérales?) car, ainsi que le disait Patrick Lagacé dans une réplique à Michel Gauthier, le rôle des politiciens est peut-être finalement de flatter les électeurs dans le sens du poil. Il faut souhaiter qu'il se trompe où encore que le poil rebrousse dans le bon sens.

Coiteux, Martin

L'auteur est professeur au service de l'enseignement des affaires internationales à HEC Montréal.