Je persiste à ne pas comprendre. Selon un sondage tout récent de la Fédération des chambres de commerce du Québec, 84% des entreprises sondées ont déjà ou prévoient de graves problèmes de main-d'oeuvre. Emploi-Québec mène une campagne d'affichage grand panneau où on nous parle de 700 000 postes à pourvoir dans les prochaines années. La moitié des caisses de mon Métro sont fermées par manque de caissières. L'État est en surplus budgétaire et Statistique Canada nous apprend que le chômage est stable en octobre au Québec.

Or nous sommes officiellement en campagne électorale POUR cette «crise» économique. Une sorte de crise appréhendée qui surviendrait dans plusieurs mois, virtuelle: on l'attend, on la prédit, on finit par la souhaiter, voire la provoquer par des déclarations moroses et incantatoires... En fait, la vraie crise, c'est celle qui a eu lieu il y a 16 mois dans le secteur forestier et qui, avec 30 000 emplois perdus, a été gérée en amateur par le gouvernement libéral... Mais celle-là, elle est devenue hors projecteur...

 

Pour l'instant, on a l'impression que les partis se cherchent dans les dédales d'élections si artificielles. À part Mario, qui dit tout et son contraire dans une spirale désespérée de perte de crédibilité, pour l'instant, nous sommes en face de deux programmes économiques qui se comparent. Dans le cas libéral, l'essentiel consiste à dire: «Nous avons lancé un important programme d'infrastructures qui suffira, avec quelques mesures fiscales, à passer au travers de la crise.» Pour le Parti québécois, les intentions sont plus complexes: on veut faire jouer un rôle plus marqué à l'État. Je crois que c'est le sens du document rendu public par Pauline Marois («Des actions pour un Québec gagnant»).

Depuis six ans, pour des raisons idéologiques, le gouvernement Charest a fortement restreint la portée et le rôle des leviers habituels du modèle québécois dans l'économie: SGF, Caisse de Dépôt, Investissements Québec, etc., ont dû réduire leur voilure. Maintenant que les plus importantes nationalisations de l'histoire ont été le fait d'un gouvernement américain de droite, cela remet en place certaines idées néolibérales sur ce que peut faire un gouvernement pour activer son économie.

Mais ce débat de moyens se vit assez mal en campagne électorale. Alors, comment le Parti québécois et le Parti libéral réussiront-ils à dégager une image de marque distincte et gagnante dans ce grand flou où patauge la campagne actuelle?

Sociologue, l'auteur a été chef de cabinet sous le premier gouvernement de René Lévesque, par la suite conseiller politique du premier ministre. Il oeuvre depuis 20 ans comme spécialiste en techniques de sondage adaptées aux recherches sociétales et marketing.