Une crise est une «rupture d'équilibre» ou une «aggravation brutale d'un état morbide».

Il y a effectivement une crise financière aux États-Unis puisque l'équilibre entre les intervenants (banques, emprunteurs, régulateurs) est brisé. Il n'y a pas de crise financière au Canada, car les contrôles centralisés exercés par la Banque du Canada fonctionnent. Notre système bancaire est très différent de celui de nos voisins. Bien sûr, quand on n'a que six grandes banques à charte à surveiller, c'est fort différent que de suivre à la trace plus de 8000 institutions financières comme c'est le cas aux États-Unis. Il est donc normal de ne pas voir sur ce front le gouverneur de la Banque du Canada. Pour l'instant, il focaliserait son attention sur la situation économique.

Cela dit, y a-t-il «crise économique» aux États-Unis et au Canada?

La réponse est NON. Nous sommes loin d'une baisse du PIB de 25%. Mais pas besoin d'être devin pour savoir que nous sommes présentement en ralentissement de la croissance ou même carrément en récession. Les économistes nous le confirmeront bien un jour, mais il sera trop tard pour réagir.

Que la crise financière américaine, celle des institutions, ait des répercussions sur l'activité économique (croissance et chômage) va de soi et c'est probablement pour cela que la seconde mouture du plan Paulson a été finalement acceptée par le Congrès. Le prochain président fera sans doute un exposé économique très interventionniste pour stimuler ou repartir l'économie. On parlera alors de consommation, d'investissements et de grands travaux.

Et pendant ce temps, au Canada...

Avec le luxe de ne pas avoir de crise des institutions financières sur les bras, le leadership gouvernemental canadien est cependant handicapé par la période électorale. Mais rappelons-nous que ce n'est pas le gouvernement qui a été dissous, mais bien les Communes. Alors!

Il serait temps de déclencher au plus vite une série de mesures pour amoindrir la récession appréhendée. Cette récession n'est pas l'effet direct de la crise financière américaine, mais bien le creux d'un cycle prévu depuis longtemps. La crise financière ne fera que l'empirer et la prolonger. C'est pourquoi on doit sentir qu'il y a sur le pont des navires du Canada et des provinces des capitaines qui dirigent. Sinon l'état morbide sera aggravé.

Un gouvernement doit utiliser les moyens d'intervention qu'il a pour prévenir; que ce soit la fiscalité ou les programmes de dépenses et d'investissements, une réaction est nécessaire. Du côté de la politique monétaire, il est curieux que la Banque du Canada attende ses rendez-vous fixés d'avance (21 octobre) pour annoncer une modification du taux directeur. C'est comme s'il fallait attendre notre rendez-vous annuel chez le médecin avant de traiter notre crise cardiaque!

La confiance et le leadership relèvent de l'univers des perceptions. Déjà de savoir que tout est sous contrôle aiderait à traverser la tempête.

Après la «récréation» électorale, il faudra bien sentir qu'il y a quelqu'un qui sait comment peser sur le bouton de l'intervention économique, sinon c'est le piton panique qui s'auto-déclenchera.

L'auteur est professeur aux HEC Montréal. Il a été ministre de l'Industrie et du Commerce du Québec, de 1994 à 1996. Il occupa aussi les fonctions de chef de la direction financière de plusieurs entreprises. Il est appelé à conseiller de nombreux dirigeants de sociétés.