Occasionnellement, un membre de ma génération sent le besoin de nous rappeler que hors le Québec, point de salut. Je n'adhère pas à cette théorie.

Plusieurs trouvent à se plaindre du fait que U2, Métallica ou Paul McCartney nous offre un répertoire anglophone. Je leur réponds que je peux être un amateur des Rolling Stones et trouver que Fred Pellerin est le Gilles Vignault de sa génération, et être tout aussi amateur du conteur chanteur de St-Élie de Caxton que de Keith Richards. Je peux aussi aimer manger de la cuisine vietnamienne, une bonne lasagne italienne, un hamburger, une bonne bouffe marocaine ou une tourtière du Lac Saint-Jean.

Je peux aussi parler couramment la langue anglaise qui n'a pas que des défauts et souhaiter un Québec francophone et maître de sa destinée. Ce qui me rebute, c'est que moi ou mes enfants soyons fermés à tout ce qui n'est pas marqué d'une fleur de lys. Je veux pour moi, mon fils et le sien vivre dans une communauté ouverte sur le monde.

Je suis âgé de 61 ans. Depuis l'âge de 18 ans, j'entends constamment des hommes et femmes, surtout de ma génération, me parler de nos malheurs et de notre cloisonnement.

Depuis 40 ans, j'ai voté à chaque élection pour le PQ, sauf la dernière où, comme la prochaine, Québec Solidaire a eu et aura mon vote. Au fédéral, depuis 20 ans, j'ai voté pour le Bloc québécois, sauf en 2008 et le 2 mai dernier, où j'ai donné mon vote au NPD. Je ne suis pas un disciple de Elvis Gratton pour autant. Je suis de ceux qui croient que le Québec est déjà un pays, de ceux qui savent d'instinct que nous sommes différents, pas meilleurs ou pires, mais différents.

Je sais pour en avoir été témoin que la traversée du Saguenay entre Baie Ste-Catherine et Tadoussac offre un décor aussi spectaculaire que le village de Banff en Alberta ou que Peggys Cove en Nouvelle Écosse. Que la liberté individuelle d'un individu passe d'abord par sa tête qui lui conseille de vivre intensément dans le présent. Qu'un roman de Mortecai Richler puisse être aussi intéressant qu'un écrit de Michel Tremblay, suis-je un traître à la nation pour autant?

Je n'ai absolument pas besoin que l'on me dise quoi penser. Je n'arrêterai pas de vivre en attendant un hypothétique souveraineté du Québec, bien que je serai heureux si elle advenait.

L'écoute d'un CD de Leonard Cohen, un Québécois comme vous et moi, qui s'exprime peu en français, mais dont les propos, peu importe la langue dans laquelle nous les écoutons, sont toujours plus qu'intéressants et surtout ouverts vers le monde, nous permet de constater qu'il y a de la vie en dehors du Québec.