Le «nouveau plan Marois» dévoilé récemment et son slogan «Toujours plus pour le Québec» sont désolants à plus d'un égard.

Tout d'abord, on ne peut s'empêcher de comparer la démarche à celle symptomatique d'un enfant gâté qui en redemande «toujours plus», sans jamais reconnaître l'apport de l'autre ou encore composer avec les compromis inhérents à la vie en société.

Sa prémisse de base prend pour acquis qu'il n'y aurait qu'au Québec que les choses peuvent bien marcher et que le progrès ne saurait surgir de nulle part ailleurs.

Il est évidemment faux de prétendre que le progrès ne passerait que par le seul gouvernement du Québec. Mais plus encore, le plan Marois dénote une incompréhension navrante du Canada et de sa gouvernance.

D'abord, il occulte l'apport inestimable des francophones (du Québec, certes, mais aussi des autres provinces canadiennes) à la construction du Canada depuis le Pacte confédératif de 1867. Il fait fi des Québécois qui s'«autodéterminent» bel et bien à l'intérieur du Canada, notamment en s'engageant au sein du Parlement fédéral depuis plus de 140 ans.

Les Québécois agents de progrès qui ont agi à l'échelon national sont nombreux : de Wilfrid Laurier à Louis Saint-Laurent et de Pierre Trudeau à Jean Chrétien, en passant par Brian Mulroney, pour ne nommer que les anciens premiers ministres.

N'oublions pas non plus les anciens gouverneurs généraux, juges en chef de la Cour suprême du Canada, commandants en chef des Forces armées canadiennes provenant du Québec, qui ont laissé leur marque en participant à l'enracinement de nos valeurs démocratiques dans notre réalité quotidienne, sans compter ces innombrables autres acteurs oeuvrant tout aussi concrètement afin de faire du Canada un pays qui, malgré ses imperfections sur lesquelles on peut toujours travailler, est admiré et envié partout dans le monde, et cela pour des raisons évidentes.

L'attitude prônée par Mme Marois occulte aussi délibérément les avantages incontestables de l'effet de contrepoids qu'offre une fédération comme le Canada en faisant en sorte qu'un palier de gouvernement peut en émuler un autre pour ce qui est de projets positifs, ou ralentir les ardeurs d'un autre qui ferait fausse route.

L'assurance-chômage, par exemple, est née de la coopération entre les provinces et le fédéral et a pu s'implanter malgré le fait que des mouvements importants dans les provinces, notamment dans un Québec alors dominé par l'autocrate Duplessis et les élites clérico-nationalistes, considéraient cette mesure comme un projet «communiste» et contraire à la «charité chrétienne».

L'assurance maladie est quant à elle née en Saskatchewan et a été répliquée dans plusieurs provinces par la suite. Hydro Ontario (Hydro One) est née avant Hydro-Québec, laquelle fut créée par les fédéralistes Adélard Godbout et T.-D. Bouchard en 1944. Et à son tour, le Québec a su aussi se situer à l'avant-garde dans de nombreux domaines.

Il n'y a d'ailleurs rien comme le régime fédéral canadien pour stimuler le «plagiat» en matière de progrès politique, social, économique et culturel.

Il est présomptueux de prétendre qu'il n'y aurait qu'au Québec que les idées brillantes jaillissent, et réducteur de laisser croire que les Québécois ne devraient pas participer à l'élaboration des politiques nationales de leur pays, le Canada.

Les incompréhensions entretenues à dessein par Mme Marois, de même que le fait que le Québec possède déjà des pouvoirs souverains, notamment en matière d'éducation et de santé, ont de quoi laisser perplexes. La question de savoir si quelque chose est «bon pour le Québec» ne devrait jamais relever d'une pensée unique nationaliste ou indépendantiste, mais plutôt, comme partout ailleurs sur la terre, d'un débat d'idées cherchant à définir le progrès entre tenants de visions de droite ou de gauche. En cela, les Québécois ne sont pas différents du reste du monde.

Mais le plus inquiétant, c'est de voir l'ancien premier ministre Parizeau se réjouir à l'idée des futures crises et confrontations que cette stratégie engendrera pour l'avancement de la cause indépendantiste. Voilà un ressentiment malheureusement familier et revoilà une tristement célèbre cage à homards qui refait surface. Pourtant, les Québécois n'ont-ils pas déjà dit non à cela?

- L'auteur est avocat.